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LES THÉÂTRES.

Après avoir retracé les prescriptions légales relatives à l’établissement des théâtres et le régime de la censure, il nous reste à exposer la condition que nos lois ont faite aux auteurs et aux comédiens.

Dans les premiers temps du théâtre moderne, les droits d’auteur n’existaient point, du moins sous leur forme actuelle. Les comédiens achetaient, avant la représentation, la pièce qu’ils se proposaient de jouer. Le prix de cette vente était des plus variables ; il dépendait, comme de raison, du mérite de l’ouvrage et plus encore de la réputation de l’auteur. Quinaut eut enfin assez de crédit pour obtenir qu’on le payât à chaque représentation au prorata de la recette. On peut dater de cette convention ce qu’on a appelé depuis la part ou le droit d’auteur. Ce n’est pourtant qu’en 1697 qu’un règlement a imposé l’obligation aux comédiens de payer cette redevance. Jusqu’alors, la matière n’était réglée que par les usages ou par les conventions réciproques. La troupe de Molière paya à Corneille 2,000 francs pour Bérénice, et 2,000 francs encore pour Attila. La même somme fut accordée à Molière pour le Festin de Pierre, mais comme gratification exceptionnelle. On sait en effet que Molière crut accomplir un acte de complaisance en écrivant un chef-d’œuvre. Ordinairement, à chaque représentation, la troupe partageait la recette en seize parts après avoir préalablement acquitté les frais. Les quatorze acteurs, au nombre desquels était Molière, recevaient chacun une part, et les deux dernières parts appartenaient à l’auteur.

Le règlement de 1697 fut renouvelé trois fois, en 1757, 1766 et 1780, sans éprouver des modifications importantes jusqu’à la révolution de 1789. En dernier lieu, la recette était divisée en dix-huit parts. L’auteur en avait deux pour les pièces en cinq actes ; les seize autres étaient la propriété des comédiens. Les pièces en trois actes ou en un acte n’avaient droit qu’à un dix-huitième. Le partage n’avait lieu qu’après le prélèvement de tous les frais.

Ces règles ne s’appliquaient qu’à la Comédie-Française. À l’Opéra, des arrêts du conseil, dont le dernier était de 1778, accordaient aux auteurs 200 francs pour chacune des vingt premières représentations de leurs ouvrages, 150 francs pour les dix suivantes, et 100 francs pour les autres, jusqu’à la quarantième, passé laquelle l’auteur n’avait plus rien à réclamer. Ce droit descendait à 80, 60 et 50 francs pour les petits ouvrages en un acte. Aucune prescription de l’autorité publique ne déterminait les droits des auteurs sur les scènes du second ordre. Ces droits, selon toute apparence, étaient réglés de gré à gré, d’après les circonstances. La Comédie-Italienne promettait une gratifi-