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LES THÉÂTRES.

semée d’écueils : elle attire une jeunesse sans expérience, et ne réserve à l’âge mûr et surtout à la vieillesse que l’humiliation et la misère.

Des cœurs généreux se sont émus au spectacle de ces maux. En 1840 s’est formée parmi les artistes dramatiques une société dont l’objet est, non de se coaliser pour élever leurs revenus, mais de créer un fonds de secours pour ceux que la fortune traite avec le plus de rigueur. Le succès de cette association a répondu aux vœux de ses promoteurs. En 1843, les souscriptions recueillies parmi les sociétaires, au nombre de plus de 1,700, les bals, les représentations à bénéfice, avaient formé un capital de 94,206 fr., employé en partie à l’achat d’une rente sur l’état de 3,000 fr. Des secours mensuels sont fournis aux artistes dans le besoin, des pensions constituées à de pauvres vieillards courbés sous le poids de l’âge. Quoique formée depuis peu d’années, la société des artistes dramatiques est déjà consolidée, et l’accroissement de ses recettes lui permettra d’étendre de plus en plus sa bienfaisante action. Elle a droit à la protection de l’autorité, à la sympathie de tous. Aucune classe peut-être n’est en même temps plus imprévoyante et plus généreuse que celle des comédiens. Leur caisse de secours aura donc toujours et des ressources fécondes et des charges pesantes. Puissent-elles se compenser ! Jusqu’ici, on ne lit point sans émotion, dans ses comptes annuels, le récit des dons obtenus et des sommes distribuées par son entremise. De pauvres artistes se font un devoir de prélever leur tribut sur les plus modiques traitemens. Les plus célèbres donnent en province des représentations dont ils abandonnent tout le produit. Plusieurs directeurs ont concouru avec empressement à ces bonnes œuvres. On ne trouverait cette munificence, s’il est permis d’employer ce mot, dans aucune autre profession.

Les artistes dramatiques se forment à diverses écoles : les uns, engagés dès leur plus jeune âge dans des troupes de province, s’y livrent de bonne heure, auprès de leur famille, à l’exercice d’un art qui ne doit jamais être pour la plupart qu’un dur et stérile métier. D’autres montent sur les théâtres d’enfans et y répètent des rôles qu’ils ne comprennent pas toujours. Un certain nombre sort du Conservatoire, pépinière instituée par l’état pour former des musiciens et des acteurs. Le Conservatoire, simple école de chant à son origine, fut créé par arrêt du conseil du 3 janvier 1784. Il s’ouvrit le 1er  avril suivant, à l’hôtel des Menus-Plaisirs du roi, dans le faubourg Poissonnière. En 1786, sur la proposition de M. le baron de Breteuil, une classe de déclamation y fut établie et confiée à Molé. Le but étant de former