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CONQUÊTE DU SCINDE. — GUERRE CONTRE LE GWALIOR.

fédération, et auquel, pour en faire un docile instrument de leur politique, ils avaient promis la dignité de reïs du Scinde septentrional à la mort de Roustum, qui en était investi. Le vieux Roustum ne fut pas plus tôt entre les mains d’Ali-Morad, que celui-ci lui arracha par force l’abdication du turban, marque de la dignité de reïs. Le général Napier reconnut aussitôt cette qualité à Ali-Morad, et, lui attribuant même une domination absolue que les reïs n’avaient jamais exercée sur leurs collègues, il courut s’emparer en son nom des forteresses des autres émirs du Haut-Scinde.

Effrayés de ces violences, les émirs rappelèrent leurs Beloutchis ; Roustum s’échappa des mains d’Ali-Morad et s’enfuit dans le désert, d’où il alla rejoindre les autres chefs à Hyderabad. Le général Napier le poursuivit un instant : « Hier (je cite une lettre du général pour donner une idée, par ses propres expressions, de la cruauté de sa conduite à l’égard de l’émir), hier, écrivait-il le 7 janvier 1843, nous sommes arrivés si près de Roustum-Khan, qu’apprenant que le major Outram était avec moi, il lui a envoyé un message pour lui dire qu’il nous était parfaitement soumis. Le major Outram me demanda la permission d’aller vers lui. Nous étions convaincus tous deux qu’Ali-Morad l’avait effrayé ; il paraît qu’Ali-Morad a persuadé à ce vieillard que je veux l’emprisonner pour la vie. Les fatigues de sa fuite l’avaient entièrement épuisé. » Une longue résidence dans le Scinde, et les rapports de bienveillance qu’il avait toujours eus avec les émirs, avaient donné au major Outram la confiance de ces malheureux chefs. Le général Napier voulut se servir de son influence : il l’envoya à Hyderabad, où les émirs s’étaient rassemblés au milieu des Beloutchis. Un rayon d’espérance brilla sur les chefs lorsqu’ils virent, au mois de février 1843, arriver le major auprès d’eux ; mais leurs dernières illusions s’évanouirent bientôt : le major Outram ne leur apportait que cette alternative, l’acceptation pleine et entière du traité et la dispersion immédiate de leurs troupes, ou la guerre. Les émirs savaient bien qu’ils ne pouvaient opposer aux Anglais une résistance victorieuse ; ils dirent, tout en protestant contre les accusations dont ils étaient victimes, qu’ils étaient prêts à se résigner au traité ; mais quant à leurs soldats, ils n’en étaient plus maîtres ; ils déclarèrent qu’au point d’exaltation où les avait portés l’esprit national et religieux froissé par les procédés de sir Charles Napier, ils seraient impuissans à les disperser, si le général anglais ne faisait de son côté quelque chose pour satisfaire leurs patriotiques susceptibilités, et ils demandèrent que le turban fût rendu à Roustum. Cependant le général Napier marchait