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LA VILLE DE LEEDS.

des courses de chevaux, ils font battre des chiens. « Le dimanche, dit le révérend Clarke[1], le quartier est envahi par des troupes d’enfans couverts de leurs vêtemens de travail, qui ne songent pas à fréquenter les églises. Ils font battre des chiens. Chacun d’eux a son chien, dont la place dans la maison est marquée sous le lit, et cela que les parens le veuillent ou qu’ils ne le veuillent pas. »

Dans les cabarets, on rencontre des enfans qui, selon l’expression de l’inspecteur Child, ne sont pas plus hauts que la table. Ils se cotisent (club together) quatre ou cinq pour payer une pinte de bière, et, comme à Manchester, il y a des maisons où les enfans seuls sont reçus. Bientôt l’âge et l’habitude de la licence développent en eux d’autres passions, et le cabaret ne leur suffit plus. Alors ils fréquentent les petits théâtres et les bals publics (dancing rooms), où ils sont initiés à la débauche par les prostituées[2]. Les rapports sexuels commencent dès l’âge de quatorze ans, quelquefois plus tôt. Les manufactures de laine présentent le même caractère en France, à l’indocilité près des enfans. Reims et Sedan sont des villes paisibles, où le libertinage ne fait pas de bruit, mais où il s’étend partout. Selon M. Villermé, la ville de Reims est infectée de prostitution, et des jeunes filles dont la taille n’annonce pas plus de douze à treize ans s’offrent le soir aux passans. M. Parent-Duchâtelet avait déjà fait connaître que Reims était, dans les environs de Paris, la ville qui fournissait à la capitale le plus grand nombre de prostituées.

Quoique les enquêtes parlementaires et les publications administratives n’aient pas marqué Leeds d’une teinte aussi sombre que Manchester ni que Glasgow, c’est du comté d’York que sont parties les plus vives réclamations. L’éditeur du journal le plus répandu dans les districts manufacturiers, le Leeds Mercury, l’infatigable M. Baines, a reparu sur la brèche, et il a cherché à prouver[3] que les comtés manufacturiers, supérieurs aux comtés agricoles en instruction et en intelligence, l’emportaient également par la moralité. Avant lui, M. Hickson[4], raisonnant sur une hypothèse chimérique, avait déjà prétendu qu’il serait mieux pour un pays de n’avoir pas d’agriculture que de

  1. Trades and Manufactures.
  2. « Boys and girls, old people and married of both sexes go-up two by two, as they can agree, to have connexion. » (Trades and Manufactures.)
  3. Baines on Manufacturing districts.
  4. Hand-loom weavers report, p. 42.