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les bouches du fleuve ; les Anglais l’ont occupé. Enfin nous arrivons à Bassorah ; cette ville fut bâtie peu d’années après la conquête de la Perse, par le calife Omar, sur la rive occidentale de l’Euphrate. « Sa situation était si heureusement choisie, dit W. Robertson, qu’elle devint bientôt une place commerciale à peine inférieure à la grande Alexandrie. » Ces souvenirs du passé tentent la nation qui se porte héritière de plus d’un des anciens empires de l’Asie. Ce fut à l’époque de l’expédition française en Égypte que les Anglais y placèrent un agent de la compagnie, et bientôt ils établirent à Bagdad un consul du roi. Leurs appointemens, ou, ce qui est la même chose en pays turc, leur influence augmenta graduellement. Il leur fut permis de s’immiscer dans les affaires du pays, dans les rivalités des Gurgi ou Géorgiens, esclaves armés qui forment autour des pachas un corps redoutable, destiné à défendre leur maître contre les embûches de la Porte. Dans le but de rendre la province de Bagdad plus capable de résister aux attaques du dehors, les agens britanniques donnaient aux troupes des instructeurs anglais ; bien avant qu’on s’occupât à Constantinople d’introduire des réformes dans les armées, il y avait, sur les bords de l’Euphrate, des bataillons organisés à l’européenne. Puis, comme dans toute la Turquie les gouverneurs qui s’enrichissent aux dépens de leurs subordonnés sont exposés à être rançonnés par le sultan, destitués par les intrigues de leurs propres employés, le résident eut à sa disposition des sommes assez fortes au moyen desquelles il pouvait maintenir ou faire nommer le pacha qui entrait le mieux dans ses vues. Au temps des guerres de l’empire, ces menées furent interrompues, mais, au l’établissement de la paix, la politique anglaise revint à ses anciens projets. Le résident de Bagdad, quoiqu’il ait toujours le titre de consul britannique, dépend en réalité du gouvernement de l’Inde ; ses appointemens sont plus considérables que ceux de ses collègues dans les autres provinces de la Turquie. Or, dès qu’un agent n’a plus à rendre compte de ses actes à l’ambassade dont il doit dépendre, sa position devient exceptionnelle ; on doit en conclure que des pouvoirs plus étendus lui ont été accordés, et il devient utile de rechercher quelle est sa véritable mission.

Pendant longues années, l’Angleterre a été représentée à Bagdad par un homme d’un talent reconnu, le colonel Taylor. Témoin oculaire des révolutions qui ont agité cette malheureuse contrée, ce consul a été à même d’en étudier l’organisation dans tous ses détails.

Il a vu aussi les chrétiens des diverses communions engagés dans des querelles auxquelles nos agens ne pouvaient rester étrangers. En