Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 7.djvu/1008

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cordiale entre deux peuples, de ne les révéler l’un à l’autre que par leurs mauvais vouloirs ! C’est là, en effet, qu’a abouti l’alliance anglaise entre les mains de M. Guizot. S’il demande à l’Angleterre des adoucissemens à ses exigences, c’est en lui parlant de la fougue anti-anglaise qu’il lui faut réprimer en France ; s’il fait sanctionner par les chambres les fautes de sa politique, c’est en leur montrant l’Angleterre prête à nous déclarer la guerre. En vérité, les intérêts qui ont besoin du maintien de la paix entre les deux peuples, et nous croyons que ces intérêts sont considérables et puissans en Angleterre comme en France, pensent-ils que la bonne entente puisse résister long-temps à un pareil système ?

Il faudrait désespérer de l’intelligence des deux pays, il faudrait se laisser aller en effet aux doutes que les amis de M. Guizot expriment sur le maintien de la paix, si l’affaire de Taïti n’avait apporté que d’inutiles enseignemens. Jamais politique n’a été plus tôt mise à même d’être jugée sur ses résultats que celle de M. Guizot dans l’Océanie ; jamais les erreurs de la politique de M. Guizot ne s’étaient plus promptement ni plus gravement révélées que dans la fondation des établissemens coloniaux de l’Océanie.

Au point de vue de l’affaire en elle-même, au point de vue de la politique purement coloniale, M. Guizot montra dans la discussion des premiers crédits de l’Océanie combien ses aptitudes, telles que les ont formées et dirigées son éducation politique et toute sa carrière, le rendent peu propre à la conduite des intérêts que la paix crée et développe. Nous disions tout à l’heure que sir Robert Peel est le ministre des situations pacifiques. On ne peut en dire autant de M. Guizot M. Guizot qui a rendu de si grands services lorsqu’il a fallu lutter contre les factions, M. Guizot qui est le ministre des crises intérieures, qui même pendant qu’il était ambassadeur et qu’il avait à veiller à une aussi importante affaire que le traité du 15 juillet, de son propre aveu, se préoccupait plus du dedans que du dehors, M. Guizot n’est pas l’homme des situations pacifiques. Placé à la tête d’une situation de cette nature, il la tourmentera, comme nous le voyons aujourd’hui, il y amassera de grandes inquiétudes à propos d’affaires minimes en elles-mêmes, il fera sortir de grands dangers des plus petites choses. Pour être ministre de la paix, il faut avoir une profonde intelligence des intérêts de la paix, une dextérité savante à les manier. L’Angleterre a eu plusieurs ministres de ce genre : Robert Walpole, Pitt (qui a été bien plus grand comme homme d’état pendant la paix que durant la guerre), Canning et Huskisson, et aujourd’hui sir Robert Peel.