Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 7.djvu/1018

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

souvent recours au jargon ? Qu’est-ce que l’hiver qui fausse les parapluies ? Devineriez-vous ce que c’est que des végétaux cravatés ? Ce sont nos dandies. M. de Latouche a voulu faire suite peut-être aux insectes titrés de Desmahis. Qu’est-ce que M. Desmahis ? Un poète, vraiment, dont M. de La Harpe a parlé.

M. de Latouche aime la solitude, et les Adieux offrent plus d’un passage touchant sur la retraite où il a long-temps abrité ses studieux loisirs ; mais le poète n’a pas toujours habité la Vallée-aux-Loups, il n’a pas toujours parcouru en solitaire les bois profonds de Verrières et d’Aulnay. Il a fait de nombreuses rencontres par le monde, il a traversé la vie à des endroits dangereux, et de bien des cœurs il sait le fort et le faible. Aussi y a-t-il plus d’un bon renseignement à recueillir dans son volume, plus d’un détail curieux, blotti dans un coin, qu’il ne faut pas laisser échapper. Je ne veux pas savoir s’il n’y a pas un peu de rancune et le souvenir de quelque désappointement lorsque M. de Latouche écrit sans façon :

Et nos propres amis, républicains vandales.


Je dis seulement que l’aveu est bon à constater. Le portrait suivant a aussi son mérite :

… Elle n’est pas, bourgeois, la poésie,
Dans ce verbeux fatras de tel écrivassier,
Pourvoyeur de lingère, Homère de portier…


Homère de portier, je vous connais, et M. de Latouche a bien dit cette fois ; je ne sais pas s’il est aussi juste en s’écriant :

L’amour n’est point, Sapho, dans vos cris impuissans,
Vous qui manquez de cœur, et peut-être de sens !


Quelle est donc cette mystérieuse Sapho aussi incomplète ? Je l’ignore, et le saurais-je, je ne le dirais pas ; il ne convient pas de soulever de tels voiles.

On voit que M. de Latouche est amer. Son humeur éclate en cent endroits des Adieux, et aussi dans la préface, courte et significative, où le romancier qui exploite le feuilleton est rudement mené. Si le poète ne tombait jamais plus mal, il faudrait le louer sans réserve ; malheureusement sa verve caustique n’éclate pas toujours à propos. M. de Latouche est chagrin, misanthrope ; c’est un Alceste, avec cette différence qu’il a le goût du sonnet. Si donc vous aimez la bienveillance qui ne se dément jamais, passez à côté des Adieux, et allez frapper à une autre porte, à celle de M. Émile Deschamps, si vous voulez. Notre époque est variée, et nous avons des poètes pour tous les goûts. J’avoue, pour mon compte, que j’aimerais assez à mettre face à face l’humeur noire, un peu dénigrante, Dieu me garde de dire envieuse, de M. de Latouche, et la bienveillance sans bornes, toujours la même et toujours nouvelle, de cet excellent M. Deschamps, qui, voyant partout des