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Le clergé, dont l’influence pourrait combattre cette profonde démoralisation, est le premier à donner l’exemple de tous les vices. Rien de plus méprisable qu’un prêtre brésilien. Se jouant de la religion qu’il professe, de la morale qu’il doit défendre, il vit dans la débauche la plus éhontée. Des prêtres, entourés d’une nombreuse famille, vous parlent de leurs enfans sans rougir. Quant aux devoirs de leur état, ils n’en connaissent d’autres que de se faire rétribuer largement pour les enterremens et les naissances. Ce manque absolu de dignité enlève aux prêtres le respect qu’il leur serait facile de mériter, si, fidèles à leur mission sacrée, ils donnaient à un peuple naturellement porté vers la foi les leçons d’une morale élevée. Leurs préceptes seraient écoutés et suivis, la considération générale les dédommagerait en peu de temps des fatigues qu’entraînerait leur noble tâche. Faute d’avoir compris ainsi leur rôle, les prêtres n’ont aujourd’hui aucune influence ni religieuse ni politique ; ils doivent vivre dans un état d’abandon, et subissent toutes les conséquences d’un abaissement volontaire. En vain quelques missionnaires zélés ont cherché à ramener les esprits par leurs prédications ; leur influence n’a duré que le temps de leur séjour. Les premiers hommes qu’il faut convertir, ce sont les prêtres, et c’est, sans nul doute, la plus difficile de toutes les conversions.

Tel est l’état moral du Brésil. Il reste à voir si l’administration des ressources matérielles peut offrir, sinon une compensation à des plaies si profondes, au moins quelque soulagement à l’orgueil national.


III — ADMINISTRATION, INDUSTRIE, COMMERCE

Le gouvernement, les chambres, le clergé, ont manqué à leur mission ; l’administration remplit-elle la sienne ? Cette question est résolue pour quiconque a jeté un coup d’œil sur les principales branches du service public. Partout il y aurait une grande réforme à entreprendre, partout les forces manquent pour l’accomplir.

L’administration de la justice semble constituée, au premier aspect, sur des bases régulières. Le gouvernement a établi partout des tribunaux mais ces brillans dehors cachent une plaie honteuse. La vénalité enlève aux juges l’autorité qui doit appartenir à la magistrature. Au lieu de multiplier les tribunaux, il aurait été plus sage d’assurer, par une surveillance active, le respect des lois et de l’équité dans le sein même de l’administration. On ne verrait pas aujourd’hui tous les juges,