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à partager seulement les curiosités oisives pour un intérêt littéraire et philosophique si loin du but réel : « Je blâme également, a-t-il dit en commençant, et ceux qui prennent parti de louer l’homme et ceux qui le prennent de le blâmer, et ceux qui le prennent de se divertir ; et je ne puis approuver que ceux qui cherchent en gémissant. » Ici on ne cherchait plus ce que pensait Pascal que par amusement et pour se distraire. On ne faisait invasion et presse autour de lui que parce qu’un éloquent moderne avait mis le feu à la cime du temple. Le côté même sérieux de ces discussions ne sortait pas du pur domaine de l’esprit. Qu’y faire ? c’est là le sort final des illustres, même des saints : Ut pueris placeas…, traduisez aussi poliment que vous voudrez. Ils n’y échappent pas ; ils sont pâture à gloire humaine : c’est leur dernier martyre.

La publication de l’éblouissant morceau sur l’amour vint renouveler à temps la question, qui commençait à s’épuiser. Pour le coup, l’inattendu était à son comble : on allait de surprise en surprise, de Pascal sceptique à Pascal amoureux ! On n’y comprenait plus rien, on n’en discutait que plus fort ; toute l’ancienne idée, si grave, qu’on avait eue de l’apologiste chrétien achevait de se confondre et de disparaître.

Ainsi, en ces deux années, à force de parler pour, contre et sur, on avait tant fait de tous les côtés qu’on avait rendu Pascal problématique ; restait à savoir si on pourrait le remettre sur pied. Il n’y avait plus en effet de texte imprimé qui offrît une base fixe à l’examen ; les anciennes éditions étaient toutes suspectes à bon droit, et, à vrai dire, avilies, par le fait des inexactitudes qu’on y avait dénoncées ; la nouvelle édition dont le Mémoire de M. Cousin démontrait et créait à la fois la nécessité et l’urgence, offrait des difficultés extrêmes, tellement que dans l’intervalle le Pascal des Pensées était provisoirement suspendu. On ne saurait assez remercier M. Faugère de faire cesser cet état de choses.

Avant de rendre compte des moyens et des résultats de son travail, il importe toutefois (c’est justice) de caractériser une phase nouvelle qui semble s’ouvrir en France pour la critique littéraire, et dont M. Cousin, l’un des premiers, inaugure avec éclat l’avènement. Je distinguerai différentes manières, différens temps très marqués dans la critique littéraire s’appliquant aux chefs-d’œuvre de notre XVIIe siècle. Durant la seconde moitié du XVIIIe, Voltaire, Marmontel, La harpe, Fontanes, ne cherchaient encore dans les œuvres de Racine et de ses illustres contemporains que des exemples de goût et des