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que cette production se partageait entre quatre mille fabricans, ce qui représente une moyenne de 20,000 francs pour chacun. En 1841, la commission sanitaire, ayant à déterminer l’influence qu’exerce chaque genre d’occupation sur la santé des ouvriers, déclarait qu’elle avait dû renoncer à remplir sa tache[1], attendu la difficulté d’interroger cette multitude de fabricans qui, seulement pour les quatre-vingt-dix-sept industries propres à Birmingham, étaient au nombre de deux mille.

Cette organisation industrielle tient à la nature même des travaux. Dans les manufactures où la puissance mécanique domine, les rouages multipliés qui concourent à la production exigeant une mise de fond considérable, et l’intérêt de ce capital ne pouvant être couvert que par de vastes opérations, il faut nécessairement que la direction se concentre dans un petit nombre de mains. Alors, la machine est tout, et l’homme n’est rien. Le talent et quelquefois le génie se montrent dans le mécanisme de la fabrique ; mais l’œuvre marche ensuite d’elle-même, et l’ouvrier, réduit à un rôle auxiliaire, n’a plus besoin que d’un peu d’attention pour suivre la besogne qui lui est tracée. Aussi ne doit-on pas s’étonner si la femme remplace bientôt l’homme, et si plus tard l’enfant vient la supplanter. Quelque jour, une machine sera substituée à l’enfant lui-même ; les ateliers achèveront de se dépeupler, et l’on verra tous ces métiers se mouvoir mystérieusement dans la solitude, avec une émulation infatigable, au simple commandement d’un chauffeur.

A Birmingham, au contraire, le travail est purement manuel. On emploie les machines comme un accessoire de la fabrication ; mais tout dépend de l’adresse et de l’intelligence de l’ouvrier. Le capital, en pareil cas, c’est l’habileté acquise. Avec un peu d’argent, et des outils, un ouvrier peut travailler pour son propre compta ; il n’en faut pas davantage pour prendre rang, par exemple, parmi les fabricans de quincaillerie, de bronzes, de boutons et de plaqués.

Cela se fait de diverses manières. Tantôt l’ouvrier travaille chez lui, avec deux ou trois apprentis, achetant la matière première, qu’il revend ensuite ouvrée aux marchands. Comme l’atelier est ordinairement dans les combles de la maison, on désigne ces hommes par le sobriquet de fabricans en galetas (garret men) ; ce sont, bien qu’à un degré inférieur, les fabricans en chambre de Paris. Ces petits manufacturiers ne se forment une clientelle qu’en cédant leurs produits au-dessous du cours ; aussi leurs profits, qui sont considérables dans

  1. Sanitary condition of labouring classes.