Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 7.djvu/177

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les momens où le commerce prospère, tombent bien bas dans les époques de stagnation. Tantôt des facteurs ou courtiers (middlemen) s’entremettent entre le marchand et l’ouvrier. Le marchand leur livre la matière première, qu’ils se chargent de lui rendre ouvrée à un prix convenu. Ils sous-traitent ensuite avec l’ouvrier de l’exécution des commandes qu’ils ont obtenues. C’est le mode de fabrication, sans contredit, le plus vicieux, car il laisse généralement la plus grande part de bénéfice à la classe d’homme qui a la moindre part au travail. Les intermédiaires ne sont vraiment utiles dans l’industrie que lorsqu’ils servent de lien entre l’entrepreneur et les agens de la production. Or, l’emploi des facteurs à Birmingham et dans les environs a précisément l’inconvénient d’empêcher toute relation entre les marchands qui font les commandes et les ouviers-fabricans qui doivent les exécuter. Le courtier, étant maître du marché, peut, avec la même facilité, exagérer pour le marchand le prix des façons, et le réduire pour l’ouvrier au plus bas. Il tient dans ses mains les clés de la production, et, comme il n’envisage que son intérêt personnel, il ne s’en sert ni au profit de l’art ni dans des vues d’humanité. Ce despotisme aurait les plus fâcheuses conséquences sans la ressource, toujours offerte aux ouvriers, de passer d’une occupation à une autre, au milieu de cette infinie variété d’articles qui constituent l’industrie de Birmingham. A Wolverhampton, à Willenhall et dans les villes qui ont une spécialité de travail, le système que je signale a fait descendre les populations au dernier degré d’abaissement.

Ce qui caractérise plus particulièrement la constitution industrielle de Birmingham, c’est le procédé au moyen duquel les petits fabricans se procurent le moteur mécanique qui semblait appartenir par privilège aux grands établissemens de production. A Manchester, on peut prendre à loyer des filatures, des teintureries ou seulement des machines à vapeur ; en traversant le quartier des manufactures, vous lisez souvent sur la porte d’une usine ces mots, qui frappent aussi les regards à Paris le long du canai Saint-Martin : « Force à louer[1]. » Dans les campagnes du Yorkshire, les fabricans de drap établissent par voie d’association des usines dont la puissance est au service de tous et de chacun. Ce que l’association a fait pour les petits drapiers de Leeds a été à Birmingham l’œuvre de la spéculation. Voici, en quelques mots, la description de ce procédé, qui montre à quel point l’on pousse en Angleterre la division du travail.

  1. « Power to let.”