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On établit une machine à vapeur dans un bâtiment qui contient une multitude de chambres d’inégale grandeur. La machine fait mouvoir des arbres qui transmettent le mouvement à des volans placés dans chaque appartement. Chacun de ces petits ateliers a pour mobilier un tour des bancs, et les outils appropriés aux divers genres de travaux. Un ouvrier, ayant reçu des commandes qui peuvent l’occuper une semaine, un mois ou une saison, prend à loyer un ou plusieurs ateliers, selon ses convenances, et stipule qu’une certaine somme de force lui sera fournie. Il réalise ainsi, en disposant d’un faible capital et en produisant sur une petite échelle, tous les avantages que donne ailleurs aux grands capitalistes l’emploi de la vapeur ; et comme les établissemens qui distribuent la force en détail sont nombreux dans la ville, la concurrence que se font les propriétaires en réduit le loyer à un taux qui rend le système accessible et l’usage universel. Des ateliers, avec leur mobilier et leur moteur, se louent aussi couramment que les appartemens d’un hôtel garni.

On comprend que ces facilités offertes au travail aient eu pour effet de multiplier la classe des ouvriers fabricans, de stimuler la concurrence et d’amener une diminution extraordinaire dans le prix des objets fabriqués. Lorsque l’industrie, à Birmingham, relevait de quelques manufacturiers qui étaient assez riches pour payer le travail comptant et pour livrer néanmoins leurs produits à crédit, le producteur faisait la loi au consommateur et fixait lui-même le bénéfice auquel il pensait avoir droit. Aujourd’hui que la classe des grands manufacturiers a disparu, que la fabrique attend les commandes, et que le fabricant dépend, comme l’ouvrier autrefois, du salaire de la journée ou de la semaine, le consommateur est le maître ; il ne lui reste plus qu’à faire justice des intermédiaires, marchands ou courtiers, qui se placent entre le producteur et lui pour les tromper tous les deux.

Depuis 1815, le prix des articles de Birmingham a baissé de 50 à 60 pour 100. Cette diminution a été principalement sensible dans la quincaillerie, où elle atteste bien moins le progrès de l’industrie que la détresse des travailleurs. En consultant la cote nominale des articles, on croirait que le prix est aujourd’hui ce qu’il était il y a cinquante ans. La valeur apparente n’a pas changé, en effet ; c’est l’escompte alloué aux marchands qui varie seul et qui donne le cours de la marchandise. A Birmingham, l’escompte représente 60 à 70 pour 100 de la valeur ; à Wolverhampton, 70 à 80 pour 100 ; à Willenhall, 80 et même 90 pour 100. Souvent même, quand le commerce ne va pas, le fer ouvré se vend au poids et pour le prix du fer brut.