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reçoit pas de salaire et il vit comme il peut n’ayant pas le droit de se montrer exigeant ; ensuite il apporte avec lui une espèce de dot à son maître, une prime en argent qui va de 2 à 5 livres, sterling, plus un trousseau complet que le fabricant met en gage quand le commerce va mal, et qu’il n’obtient plus la bière à crédit.

Autrefois, les gardiens des paroisses n’examinaient pas de bien près à qui les enfans étaient remis ; quiconque les débarrassait du fardeau était le bien-venu. M. Horne a vu à Walsall un fabricant à qui l’on avait confié trois apprentis ; bien que cet homme eût été, un an auparavant, condamné pour vol et enfermé dans la prison du comté. A Willenhall, un maître-ouvrier qui n’est pas établi, et qui loue une place dans un atelier, entretient souvent deux apprentis, l’un pour travailler à ses côtés, l’autre pour faire ses commissions, pour ramasser du fumier, pour mener paître son âne ou pour bercer ses enfans. Quand un fabricant a plus d’apprentis qu’il n’en peut nourrir, il en donne un ou deux à loyer ; un de ces malheureux a même été vendu pour 10 shill.

On ne saurait rien imaginer de plus affreux que l’existence des apprentis de Willenhall à tout âge, il faut qu’ils travaillent aussi long-temps que leurs maîtres, vrais cyclopes qui font quelquefois des journées de vingt heures, mangeant debout et ne s’arrêtant jamais. La nuit, ils couchent sur un peu de paille ou sur le plancher. Ils n’ont que le même vêtement pour l’hiver et pour l’été. On les nourrit à peine, et, quand on veut les punir, on les affame tout-à-fait[1]. Il y a quelques années, on n’y mettait pas tant de raffinement. Un maître transperça son apprenti d’une barre de fer rouge et le cloua au mur ; un autre fabricant fut pendu, pour avoir exercé sur un enfant des tortures qui passent toute croyance ; plus récemment, un troisième riva au cou de son apprenti un collier de fer, et un quatrième attacha à la jambe du sien une grosse poutre pour empêcher ; qu’il ne s’échappât. Aujourd’hui les châtimens sont moins étranges, mais tout aussi cruels. On frappe les apprentis d’un fouet à lanières, d’une corde à nœuds, d’un bâton, sans préjudice des instrumens que l’on peut avoirs sous la main. Le maître couvre leur corps de plaies et de contusions ; la maîtresse leur arrache les cheveux et les oreilles. Plus ils demandent merci, et moins on leur montre de pitié. Pourquoi les épargnerait-on ? Pourvu que l’enfant ne meure pas, la justice s’en lave les mains. Le parlement a eu ces, faits sous les yeux, et il n’a pas cherché à y

  1. « Very common mode of punishing apprentices ; is that of clamming which means half starving. »