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que le concave de mon estomac, qui est tout couvert de ma tête penchante, et que par ce côté-là, aussi bien que par l’autre, on peut voir la situation ou plutôt le plan irrégulier de ma personne. Sans prétendre faire un présent au public (car, par mesdames les neuf Muses, je n’ai jamais espéré que ma tête devînt l’original d’une médaille), je me serais bien fait peindre, si quelque peintre avait osé l’entreprendre. Au défaut de la peinture, je m’en vais te dire à peu près comme je suis fait.

« J’ai trente-huit ans passés, comme tu vois, au dos de ma chaise ; si je vais jusqu’à quarante, j’ajouterai bien des maux à ceux que j’ai déjà soufferts depuis huit ou neuf ans. J’ai eu la taille bien faite, quoique petite ; ma maladie l’a raccourcie d’un bon pied. Ma tête est un peu grosse pour ma taille. J’ai le visage assez plein pour avoir le corps décharné, des cheveux assez pour ne porter point perruque ; j’en ai beaucoup de blancs en dépit du proverbe. J’ai la vue assez bonne, quoique les yeux gros ; je les ai bleus : j’en ai un plus enfoncé que l’autre, du côté où je penche la tête. J’ai le nez d’assez bonne prise. Mes dents, autrefois perles carrées, sont de couleur de bois, et seront bientôt de couleur d’ardoise ; j’en ai perdu une et demie du côté gauche, et deux et demie du côté droit, et deux un peu égrignées. Mes jambes et mes cuisses ont fait d’abord un angle obtus, et puis un angle égal, et enfin un aigu ; mes cuisses et mon corps en font un autre, et ma tête se penchant sur mon estomac, je ne ressemble pas mal à un Z. J’ai les bras raccourcis aussi bien que les jambes, et les doigts aussi bien que les bas ; enfin, je suis un raccourci de la misère humaine. Voilà à peu près comme je suis fait. Puisque je suis en si beau chemin, je vais t’apprendre quelque chose de mon humeur. Aussi bien cet avant-propos n’est-il fait que pour grossir le livre de la prière du libraire, qui a eu peur de ne retirer pas les frais d’impression, sans cela il serait très inutile, aussi bien que beaucoup d’autres ; mais ce n’est pas d’aujourd’hui que l’on fait des sottises par complaisance, outre celles que l’on fait de son chef.

« J’ai toujours été un peu colère, un peu gourmand, un peu paresseux. J’appelle souvent mon valet sot, et un instant après monsieur. Je ne hais personne, Dieu veuille qu’on me traite de même. Je suis bien aise quand j’ai de l’argent, et serais encore plus aise si j’avais de la santé. Je me réjouis assez en compagnie. Je suis assez content quand je suis seul. Je supporte mes maux assez patiemment ; mais il me semble que mon avant-propos est assez long et qu’il est temps que je le finisse. »

Dans une lettre à Marigny, il dit : « Quand je songe que j’ai été sain