Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 7.djvu/246

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

peuplées entièrement par les Mexicains, M. Butler crut avoir trouvé un moyen indirect de parvenir à son but : il avait appris en confidence que le Mexique songeait a négocier un emprunt avec les États-Unis, il pensa à demander le Texas comme gage : le Mexique étant hors d’état d’acquitter jamais sa dette, la mise en gage équivalait à une vente. Mais le gouvernement américain avait entrevu la possibilité d’avoir le Texas pour rien ; on défendit à M. Butler de faire ni de recevoir aucune proposition au sujet d’un emprunt, et l’on insista sur la Sabine nouvellement découverte. Le Mexique, loin de céder, se plaignit des menées des Américains dans le Texas, et de l’encouragement manifeste que toutes les tentatives de désordre recevaient des États-Unis. L’impatience prit alors le général Jackson, et par contre-coup M. Butler changea de ton ; il ne demanda plus, il exigea. Dans une lettre du 21 décembre 1834, il déclare, par ordre du président, qu’un « plus long délai à déterminer la véritable frontière du Mexique et des États-Unis ne saurait être permis. Le Mexique occupant une vaste étendue de territoire que le gouvernement du soussigné présume respectueusement (respectfully) appartenir au peuple des États-Unis, et dont une grande partie, comme on sait, a déjà été concédée par les autorités du Mexique à des individus de toute sorte, il devient d’une impérieuse nécessité que la question soit promptement vidée. » M. Butler termine en demandant que le traité soit fait assez tôt pour être présenté au sénat des États-Unis avant le 4 mars suivant. Ainsi les États-Unis ne sollicitaient plus un changement de frontière : ils réclamaient comme leur bien ce qu’ils demandaient auparavant comme une concession, et il fixaient au Mexique un délai de deux mois pour se résigner à ce sacrifice.

Le gouvernement mexicain, pour gagner du temps, transporta la négociation à Washington, et M. Butler y fut appelé pour conférer à ce sujet avec le président et le ministre des affaires étrangères ; mais Butler avait acquis la conviction que les négociations ne pourraient amener un résultat favorable, et il songeait déjà sans doute à d’autres moyens. Comment s’expliquer autrement les réticences, les mots couverts de la dernière lettre qu’il écrivit avant son départ pour Washington, et dont le gouvernement n’a communiqué que le fragment suivant : « Quand j’aurai le plaisir de vous voir, je pourrai vous montrer clairement que je n’ai pas perdu mon temps, et que l’on a fait tout ce que les circonstances permettaient de faire, que toute chose est même prête pour terminer l’affaire à notre satisfaction. Je puis prouver, jusqu’à l’évidence, qu’en trois mois nous pouvons tout consommer ; mais