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aux états du sud le quart au moins de leurs représentans, et donnerait à ceux du nord une immense majorité. C’est sur cette proposition que le débat s’engagera d’abord, et c’est pour lui ôter toute chance de succès que les états du sud demandent l’annexation du Texas.

La question du Texas semblait ajournée ; les esprits s’en occupaient beaucoup moins que de la question du tarif, qui est chaque année l’objet de débats violens, lorsque, par une manœuvre électorale, M. Tyler, ou plutôt M. Calhoun, son principal ministre, est venu la ranimer tout à coup et en brusquer la décision par un commencement d’exécution : cette manœuvre a jeté la perturbation dans les deux grands partis qui se disputent le gouvernement de l’Union. M. Tyler est Virginien et propriétaire d’esclaves, il est donc personnellement intéressé à l’annexation du Texas, et il la préparait en secret, à petit bruit ; il n’aurait point osé porter la question devant le congrès sans l’arrivée de M. Calhoun au ministère. Entraîné par celui-ci, il a changé de méthode, il a agi à ciel ouvert, et il s’est assez habilement servi de cette question, afin de rallier à l’appui de sa candidature tous les Américains de l’un et de l’autre parti, pour qui le maintien perpétue de l’esclavage passe avant tout autre intérêt. M Tyler recueillera-t-il lui-même le fruit de cette manœuvre ? C’est ce qui dépend de M. Calhoun.

M. Calhoun ambitionne la présidence depuis vingt ans. Son immense talent, l’élévation de son caractère, ses vertus privées, et le patriotisme qu’il déploya lors de la lutte contre l’Angleterre en 1812, l’en rendraient digne. Avec moins d’impatience, il y serait arrivé déjà, à la suite de M. Adams ou du général Jackson. Porté à la vice-présidence par les mêmes voix qui avaient donné la présidence à M. Adams, il touchait au but ; mais il crut voir, et devait voir en effet, un rival dangereux dans M. Clay, à qui M. Adams avait confié le département des affaires étrangères, et, sans autre motif qui pût le justifier, il se jeta dans le parti de l’opposition, qui se composait alors des débris de l’ancien parti démocratique, ralliés autour de l’immense popularité qui s’attachait au nom de Jackson. M. Calhoun, orateur et homme d’état éminent, d’une intégrité au-dessus de tout soupçon, avait peu d’estime pour la capacité et le caractère du général Jackson ; il se rattachait au parti du général, parce que Jackson était l’ennemi déclaré et acharné de M. Clay. Si la coalition qui le portait à la présidence prévalait, M. Clay disparaissait des abords du pouvoir, et l’expérience et les talens de M. Calhoun allégeraient pour le vieux général le poids des