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que, tout en ne renonçant point aux efforts loyaux et honnêtes que nous avons toujours faits pour procurer l’abolition de l’esclavage dans le monde entier, nous ne prendrons jamais ni ouvertement ni en secret aucune mesure qui tende à troubler leur tranquillité intérieure. »

Ce n’était pas assez pour M. Calhoun d’avoir signé et fait présenter au congrès un traité d’annexation ; il fallait, pour atteindre le but politique qu’il se proposait, que chacun sût bien positivement que le traité n’avait été conclu que dans les intérêts des états du sud, et pour affermir l’esclavage aux États-Unis. De cette façon, la question était bien nettement posée entre le nord et le sud, entre les abolitionistes et les possesseurs d’esclaves. C’était un défi audacieux jeté aux adversaires, et en même temps un appel désespéré à tous les partisans de l’esclavage. La dépêche de lord Aberdeen fournissait à M. Calhoun une occasion naturelle d’expliquer d’une façon bien nette les motifs de sa conduite. Dans le message envoyé à un congrès où les whigs avaient la majorité, on avait dû se contenter d’insinuations pour ne pas blesser ou alarmer ceux que l’on voulait gagner. En s’adressant à un ministre étranger, le gouvernement pouvait faire connaître clairement sa pensée. D’ailleurs lord Aberdeen, malgré le ton modéré et conciliant de sa dépêche, avait avoué ou plutôt annoncé un projet qui ne tendait en réalité qu’à faire avorter indirectement le projet du gouvernement américain, et à rendre inutiles tous ses torts passés. Si le Texas devait abolir l’esclavage, autant aurait valu le laisser au Mexique. M. Calhoun a donc pu, dans sa réponse à lord Aberdeen, montrer une parfaite franchise. Il avoue que c’est par opposition à la propagande abolitoniste de l’Angleterre que le traité a été conclu ; et après avoir remercié le gouvernement anglais de l’assurance qu’il donne de ne chercher jamais à troubler la paix des états à esclaves, il continue ainsi : « Le gouvernement attache la plus haute importance à l’aveu qui lui est fait pour la première fois, que la Grande-Bretagne appelle de ses vœux et secondera de ses constans efforts l’abolition générale de l’esclavage dans tout l’univers. Tant que la Grande-Bretagne a borné sa politique à l’abolition de l’esclavage dans ses propres possessions et dans ses colonies, aucune nation n’a eu droit de s’en plaindre…. Mais quand elle va plus loin et qu’elle avoue comme le but arrêté de sa politique et l’objet de ses constans efforts l’abolition de l’esclavage dans le monde entier, elle fait aux autres pays, dont le salut ou la prospérité sont mis en péril par cette politique, un devoir d’adopter telles mesures qu’ils jugeront nécessaires pour la protection de leurs intérêts. Le président des États-Unis