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la sécurité de notre territoire ; mais les moyens employés par le gouvernement et les garanties qu’il exige ne suffiront peut-être pas pour obtenir cette sécurité. L’empereur du Maroc n’est pas maître chez lui ; comment pourra-t-il faire exécuter les engagemens qu’il aura souscrits envers nous ? Cette rupture qui a éclaté, ce n’est pas lui qui l’a fait naître ; il prétend, au contraire, avoir fait tout ses efforts pour l’empêcher, et on peut le croire, car si quelqu’un souffre de la présence d’Abd-el-Kader dans le Maroc, c’est surtout l’empereur. La situation sera donc toujours la même. L’empereur voudra qu’Abd-el-Kader s’en aille, et il ne pourra pas le chasser. A cela, M. Guizot répond que, si l’empereur n’est pas assez fort pour éloigner Abd-el-Kader de notre frontière, nous sommes là pour y pourvoir, ce qui signifie, comme on l’a dit, que, s’il est incapable de faire la police sur son territoire, l’armée française saura bien la faire pour lui. Cet argument nous inquiète ; il nous laisse supposer que l’on n’a pas une grande confiance dans la voie qu’on s’est tracée. Le résultat de tout cela pourrait bien être qu’après avoir obtenu de l’empereur du Maroc une satisfaction complète, les garanties les plus sûres, établies par les conventions les plus formelles, on n’en fût pas moins obligé d’avoir long-temps encore une armée sur la Tafna.

Des deux côtés du détroit, l’affaire du Maroc a déjà donné lieu à plusieurs interpellations. Le résultat en est fâcheux pour le cabinet. Quand bien même les difficultés de la question seraient momentanément aplanies par les réparations que la dépêche du consul de Tanger annonçait le 10 juillet à M. Guizot, il sortirait encore de cette affaire une impression pénible, causée par les révélations des chambres anglaises. Tout le monde sait que les gouvernemens amis échangent entre eux des communications sommaires sur leur politique extérieure ; mais la dignité de la France a souffert d’entendre dire à M. Peel qu’il avait reçu de M. Guizot les explications les plus satisfaisantes et les plus complètes sur les intentions du gouvernement français dans la question du Maroc, et que ces communications comprenaient les instructions données à M. le prince de Joinville. M. Peel, pour se faire bien venir de sa majorité, a peu ménagé dans cette circonstance la susceptibilité et les intérêts de M. Guizot. Après un semblable procédé, M. Guizot eût pu se dispenser de garantir à l’Angleterre, du haut de la tribune française, la modération et le désintéressement de notre politique dans les affaires du Maroc. Le moment était mal choisi de montrer tant d’humilité et de courtoisie. Et comment l’Angleterre a-t-elle répondu à ces avances ? En protestant contre l’occupation française à Alger. Le ministère anglais et des membres de sa majorité se sont concertés pour arranger une sorte de dialogue public où l’on trouverait le moyen de déclarer indirectement à la France que l’on ne reconnaît pas sa souveraineté en Algérie. M. Guizot nous avait dit en 1842 à la tribune que lord Aberdeen regardait l’occupation d’Alger comme un fait accompli ; il tenait le mot de M. de Saint-Aulaire, notre ambassadeur à Londres, qui l’avait reçu du ministre anglais, au Foreign-Office.