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Aujourd’hui lord Aberdeen rectifie l’assertion de M. Guizot. Loin d’avoir déclaré qu’il regardait notre occupation d’Alger comme un fait accompli, le noble lord prétend avoir dit qu’il n’avait pas pour le moment d’observation à faire à ce sujet, et que son intention était de garder le silence. Il y a, comme on voit, une grande différence entre les paroles de lord Aberdeen et la traduction qui en a été donnée par M. de Saint-Aulaire à M. Guizot.

Ce n’est pas tout. Le ministère anglais veut qu’on sache bien qu’il n’a pas demandé l’exequatur de la France pour son consul-général à Alger. Le fait est connu de tout le monde ; personne n’en doute à la chambre des communes. N’importe ; ou veut encore se donner, à l’occasion du Maroc, cette douce satisfaction. On se fait adresser là-dessus une interpellation, et on répond négativement, au grand plaisir de M. Sheil et de ses amis. Cette question de l’exequatur n’a pas été traitée chez nous aussi sérieusement qu’elle devait l’être. C’est une vieille question, dit-on ; oui, mais c’est une vieille injure il est toujours temps de protester contre elle. Si l’on ne peut aborder de pareils sujets sous le règne de l’entente cordiale, quand donc les abordera-t-on ? Il est bon de faire connaître que l’Angleterre, sur ce point, outre qu’elle tient une conduite mesquine, dont le seul effet peut être de nous blesser gratuitement, se trouve en désaccord avec les règles de la diplomatie. Il est d’usage de ne pas renouveler les exequatur des consuls lorsqu’ils ne sont pas revêtus d’un caractère représentatif ; mais dans le Levant, dans les états barbaresques surtout, en vertu des anciennes capitulations, les consuls ont ce caractère. Ils sont chargés d’affaires ; assimilés aux personnages diplomatiques, ils doivent, comme eux, se faire délivrer de nouvelles lettres de créance dans les changemens de règne où de souveraineté. S’ils ne le font pas, c’est une protestation. Ils cessent dès-lors d’être accrédités ; ils n’ont plus le droit de garantir leurs nationaux ; voilà les principes. L’Angleterre les méconnaît complètement à Alger. Rigoureusement, M. Saint-John est accrédité auprès du dey ; il ne l’est pas auprès du gouvernement français, qui cependant en agit avec M. Saint-John comme si sa situation était régulière ; car, autant l’Angleterre évite soigneusement de donner son adhésion diplomatique aux entreprises étrangères, autant la France se montre libérale à cet égard. Peu éprise de la Russie, elle a envoyé un consul dans la province du Caucase, et malgré la situation du consul anglais à Alger, nous avons envoyé, depuis 1839, des agens consulaires à Singapour, à Calcutta et à Bombay. C’est peut-être une faiblesse de notre part, et le sujet d’un triomphe secret pour l’Angleterre, il faut avouer qu’elle ne néglige rien pour nous en faire repentir. La mission confiée au prince de Joinville a excité les commentaires jaloux de quelques membres du parlement britannique, parmi lesquels on regrette de voir un homme aussi éminent que lord John Russell. Les journaux de Londres ont aussitôt annoncé le départ d’un certain nombre de vaisseaux destinés à renforcer la station de Gibraltar. La presse et la tribune se sont émues en France. M. Guizot a déclaré que les forces navales de l’Angleterre, dans les