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à cette méthode logique, à celle de Condillac en particulier, qui faisait ainsi appareil et illusion, à force de clarté, devant des yeux si bien organisés d’ailleurs. On affectait d’abord de tout définir, de réduire le problème à ses tenues les plus nets, les plus précis, identifiant les idées et leurs signes, afin de raisonner ensuite au pied de la lettre ; on simplifiait tout pour mieux résoudre, tandis que, dans la réalité, les choses vont se grossissant, se compliquant sans cesse par suite des passions, des intérêts, des intentions cachées. Il arrivait ainsi que la conclusion logique était en raison inverse du résultat que rendaient les évènemens, et qu’un coup d’œil plus étendu eût fait présager : cette conclusion si nettement déduite eût été triomphante, si les hommes eussent formé une classe de logique et de géométrie, une classe docile, et non pas un peuple.

Quoique ce défaut, qui tient à l’abus de la méthode dite d’analyse n’ait pas laissé de restreindre, j’ose le croire, la porte de M. Daunou comme homme politique et public et comme philosophe, j’aime mieux pourtant ici, dans ses démonstrations en faveur de la constitution civile du clergé, ne voir qu’un simple vœu honorable et de convenance, un mode d’interprétation utile qu’il propose jusqu’à la dernière extrémité, sans trop espérer de le faire accepter, et en se consolant lui-même très aisément d’avoir à marcher au-delà. « Philosophes, s’écrie-t-il en faisant sous le masque anonyme la leçon aux deux partis, philosophes, loin de vous des procédés injustes ou des mesures imprudentes qui détacheraient de la cause commune à tous les Français une classe de citoyens qui, après tout, a servi cette cause en y attachant sa destinée ! Et vous, prêtres dociles à la loi, ne calomniez pas la philosophie ; c’est de ce nom qu’on appelle le plus digne usage de la raison de l’homme ; c’est un nom sacré, ne le prononcez qu’avec respect ; le plus sûr moyen de discréditer vos doctrines religieuses et d’accélérer la chute de vos autels serait de renouveler le scandale de ces déclamations fanatiques devenues si ridicules, depuis un demi-siècle, dans la bouche de vos prédécesseurs. Ah ! soyez plutôt les apôtres de la morale, les propagateurs du patriotisme, les prédicateurs et les modèles de la tolérance, et vous forcerez long-temps encore les amis de la liberté de rendre hommage à l’utilité de votre ministère. » - Ce long-temps encore est significatif : l’oratorien de la veille ne voyait au mieux dans le christianisme qu’une forme temporaire et provisoire ; mais pouvait-il bien espérer de convaincre à ce raisonnement humain les croyans sincères, d’amener à ce rôle subalterne, à cette fonction d’adjoints-philosophes, les prêtres encore dignes de ce nom ? Je tire