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ma curiosité. Les uns regardaient la présence d’un étranger comme une intrusion : c’étaient de jeunes brahmanes élevés dans la campagne ; d’autres, nés de familles aisées et qui avaient visité Bombay, sentaient peut-être en ce moment l’infériorité des enseignemens brahmaniques Vis-à-vis de l’éducation européenne, et ils semblaient distraits par cette pensée importune. Le maître s’était levé de dessus ses coussins par respect pour les gentlemen anglais qui m’avaient conduit là. Je tendis la main à un petit élève sérieux, au front plat, à la figure boudeuse, en lui demandant son manuscrit ; il se retira avec dédain, tandis qu’un de ses camarades, plus poli, m’offrait son cahier de bon cœur. Sans aucun doute le pandit possédait l’intelligence des textes ; il les développait e mahratte pour les auditeurs, en hindoustani pour nous, avec une certaine verve et une satisfaction évidente : c’était la tradition qu’il nous donnait, ce qu’ils appellent eux-mêmes la bouche du maître. À cette explication dénuée de critique, fatale, pour ainsi dire, combien j’eusse préféré la méthode claire, savante, que suit le professeur du collége de France ! Dans l’étude de l’astronomie est comprise celle des mathématiques, dont les traités en vers se gravent facilement dans la mémoire ; mais il leur manque toujours la précision, et les hindous sont si peu portés à compter ; qu’au-delà d’un certain nombre ils ne parlent plus que de millions et de myriades. Il leur faut du merveilleux jusque dans les chiffres ! On conçoit bien que l’astronomie des brahmanes est, à proprement parler, l’astrologie, de même que leur médecine se rapproche en certains points de la magie. Ils avouent eux-mêmes que l’étude des organes de la vie sur un corps mort est le véritable moyen à employer pour connaître les maladies et apprendre à les guérir ; pourtant l’horreur qu’ils ont des cadavres les éloigne à jamais de toute idée de dissection. Dans cette classe de médecine, en un coin de la salle, deux jeunes gens se tenaient à l’écart ; ils évitaient tout contact avec leurs voisins, parce qu’un de leurs parens étant mort à cent lieues de là, ils se trouvaient impurs pour quarante jours. Il y a loin de ces prescriptions par trop rigoureuses au manque de respect dont les étudians de nos amphithéâtres se, rendent parfois coupables envers les restes mortels confiés à leurs mains ! Les préceptes de morale civile et religieuse enseignés dans l’école de philosophie initient le citoyen de l’Inde aux devoirs de sa caste, aux lois de la société à laquelle il appartient. Ce cours serait beau à faire si les brahmanes, en élucidant les textes anciens, détachaient un à un les langes dans lesquels le dogme a été successivement enveloppé ; mais ce n’est pas là leur affaire : ils professent ce qu’ils ont appris et le transmettent