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Borgia, je suis sûr que M. d’Israeli admire des hommes d’état qui ne sauraient lui inspirer d’enthousiasme ; ceux, par exemple, qu’il range lui-même dans la famille des Ulysse.

Je disais que le mérite de Coningsby, au point de vue politique, est de soulever une de ces questions qu’il suffit de poser pour mettre une situation en lumière. On sait maintenant de quelle manière le livre de M. d’Israeli atteint ce résultat ; il éclaire la position du parti tory précisément par les solutions qu’il ne donne pas. Certes à l’amertume des reproches qu’il adresse à la politique de sir Robert Peel, à la vivacité avec laquelle il attaque la tactique du parti conservateur, il semble que si quelqu’un était intéressé à découvrir et à promulguer les principes fondamentaux du torysme ; c’était d’Israeli. Un parti se compose avec des forces et des intérêts avant de se créer des principes. M. d’Israeli prétend que la politique de sir Robert Peel déserte et livre les intérêts de son parti ; pourquoi ? parce qu’elle est, suivant lui, une politique de tâtonnement, parce qu’elle ne se retrempe pas dans les principes. M. d’Israeli a l’air de poursuivre ces principes, et il arrive que ses découvertes, Si elles sont sincères, imposent aux intérêts coalisés dans le parti conservateur des sacrifices bien plus cruels que ceux que sir Robert Peel leur demande. Un ami de l’auteur de Coningsby, voulant le peindre d’un trait, a écrit que ses sentimens sont tories et ses pressentimens radicaux. Les opinions ambigus et contradictoires de M. d’Israeli ne pouvaient être mieux définies que par un jeu de mots. Mais dire de l’homme qui attaque sir Robert Peel parce qu’il ne le trouve pas assez conservateur à son gré, que ses pressentimens sont radicaux, est une manière imprévue de le recommander aux tories. Les plaintes de certains tories contre l’illustre baronnet sont donc dénuées de justice ; le parti conservateur, ceux même qui ont la prétention de le mieux servir le déclarent, doit s’attendre à voir s’écrouler peu à peu et se transformer les privilèges sur lesquels il s’appuie. Chercher dans des idées abstraites une sanction chimérique à ces privilèges serait un effort superflu. Le parti conservateur doit bien plus se préoccuper de conduite que de théorie. L’important pour lui, c’est de ralentir le plus possible le mouvement qui le presse, c’est de ne proportionner les concessions qu’à la mesure prescrite par la nécessité des circonstances ; c’est d’opérer, avec le moins de secousses possible, une transformation inévitable, mais qui, dirigée avec imprudence et précipitation, pourrait entraîner des froissemens douloureux et mettre des intérêts nationaux en péril. La grande affaire du parti conservateur au gouvernement est donc une question de tactique ; cette question