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avoir établi une excellente philosophie d’introduction, et que toutes les fois que dans l’avenir on reviendra aux questions préliminaires de la science, surtout à l’examen des fondemens, des procédés et de l’objet de la psychologie, son nom se présentera naturellement ; il sera cité comme une autorité tant que l’histoire de la philosophie restera dans la mémoire des hommes.

Un dernier mot encore. Cette philosophie est-elle un sacrilège ? Question étrange à poser et dont M. Jouffroy, dans ses derniers jours, n’eut certes pas prévu le retour ; mais depuis un temps, les ennemis de la science ne sont pas devenus moins ridicules, seulement ils sont devenus plus hardis. Aucune réponse ne leur est due ; une apologie serait peu digne d’une pure et noble mémoire. Je ne sais qu’une chose, c’est que leurs déclamations se réduisent à quatre ou cinq propositions que voici. — La philosophie n’est que vanité et faiblesse ; elle a pour origine l’orgueil humain et les passions terrestres. — Le doute est le résultat le plus clair de toute philosophie. — L’éclectisme est une méthode mortelle à toute croyance et à toute religion. — Et je sais aussi qu’on lit dans saint Grégoire de Nazianze : « Rien de plus fort que la philosophie ; rien n’est invincible comme elle[1]. » On lit dans saint Clément d’Alexandrie : « Il est visible que l’ancienne science hellénique est avec la philosophie même venue de Dieu aux hommes[2]. » On lit dans saint Cyrille d’Alexandrie : « Le principe de la connaissance est l’inquisition, et la racine de l’intelligence des choses qu’on ne sait pas est le doute[3]. » On lit enfin dans le même saint Clément : « J’appelle philosophie non celle des stoïciens, ni celle de Platon, ni celle d’Épicure, ni celle d’Aristote ; mais tout ce qui a été dit d’excellent par chaque secte, tout ce qui enseigne la justice avec une science pieuse, c’est ce tout, cet ensemble éclectique, que j’appelle philosophie. La philosophie introduit dont et préparé à l’avance ceux que le Christ achève[4]. »

Voilà de l’ancien christianisme ; mais peut-être n’est-il pas du goût du nouveau.

« La même loi de la raison, dit M. Jouffroy, qui en s’appliquant tour à tour à l’individu, à la société ou à l’espèce, fait concevoir à l’homme que les individus, les sociétés et l’espèce sont ici-bas pour une

  1. Orat. XXVI, p. 481 ; tome I de l’édition des bénédictins de Saint-Maur.
  2. Stromat., liv. I, p. 287 ; édition de Paris, 1641.
  3. L’inquisition, le doute, deux mots qui ont servi à désigner les sceptiques, appelés quelquefois zététiques et aporétiques. — S. Cyrill. Alex. op. Comm. in Johan. ev., lib. II, cap. IV, p. 180 ; tome IV de l’édition de Paris, 1638.
  4. Stromat., liv. I, p. 288, 292.