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remplir leurs engagemens. M. Peel a su habilement ménager la position de M. Guizot. Cependant il n’a prononcé aucune parole d’où l’on puisse augurer son intention de ne pas maintenir le droit de visite réciproque. A la chambre des lords, dans la séance du 25, lord Aberdeen a donné connaissance des instructions nouvelles envoyées aux croiseurs sur la côte d’Afrique. Ces instructions renferment quelques modifications dans le système de répression de la traite. On a déjà essayé de présenter ces modifications comme une concession faite à la France par l’Angleterre, et on a rappelé en même temps l’ordonnance de l’amirauté, rendue en 1842, sur les instances de M. de Saint-Aulaire, pour empêcher la destruction des établissemens à esclaves sur la côte d’Afrique. Il faut louer le gouvernement anglais d’avoir pris ces mesures, destinées à répandre chez ses croiseurs des habitudes de discrétion et de réserve qu’ils n’ont pas toujours montrées ; mais si les concessions demandées par M. Guizot à l’Angleterre doivent se borner là, nous pouvons nous attendre à un amendement de M. Jacques Lefebvre dès le début de la prochaine session. Cet empressement que l’on met à signaler de pareils résultats, et à les présenter comme une première victoire de M. Guizot, peut nous faire présager dès à présent quel sera le succès de ses négociations. M. Guizot paraissait avoir meilleur espoir il y a deux ou trois mois. Le projet de loi coloniale qu’il avait fait porter à la chambre des pairs, malgré les répugnances de M. de Mackau, avait pour but de préparer un arrangement avec l’Angleterre sur le droit de visite. Au moyen d’un article qui eût donné au gouvernement des pouvoirs étendus pour abolir l’esclavage, M. Guizot espérait obtenir du cabinet anglais l’adoption en commun de procédés nouveaux concernant la répression de la traite. C’eût été un coup d’éclat pour la rentrée des chambres. Les changemens apportés par la commission dans le projet de loi sur les colonies ont détruit cette espérance. Il faut maintenant que M. Guizot cherche un nouveau moyen d’obtenir la concession promise aux chambres. Il en avait un sous la main il y a un mois : il avait l’affaire du Maroc, où l’on eût pu, avec un peu d’énergie ou de présence d’esprit, stipuler avec l’Angleterre certains avantages en retour de la modération de la France. Malheureusement M. Guizot s’est empressé, dès le premier jour, de communiquer au cabinet anglais tout le plan de la France sur le Maroc. L’Angleterre a pu prendre cette promptitude et ce désintéressement pour un aveu de notre faiblesse. Comment pourrait-on lui demander aujourd’hui le prix d’une chose qui lui a été abandonnée comme un droit ?

La situation des forces navales du royaume-uni préoccupe vivement la presse et les chambres anglaises. Sur la proposition de M. Hume, la chambre des communes a voté une adresse à la reine, pour la supplier de nommer une commission qui soit chargée d’examiner les ports de l’Angleterre. La Note du prince de Joinville a servi de texte à cette motion, M. Peel, en admettant l’enquête, a voulu lui donner la couleur d’une mesure réclamée en vue d’un intérêt commercial ; mais elle a évidemment un caractère politique. Elle est l’expression d’un sentiment de défiance et de jalousie contre la