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son avant-garde. Ceux qui ne voient pas seulement dans les livres un sujet de déclamation ou d’insignifiante analyse, mais qui aiment à y reconnaître les signes du temps et les présages inattendus, trouveront ici un sujet de réflexion grave, qui d’ailleurs coïncide avec l’affaiblissement général des doctrines et des idées à travers le monde.

L’histoire proprement dite n’a pas produit d’ouvrages éminens ; Fraser Tytler vient de terminer son Histoire d’Écosse, un peu dénuée de couleur[1], mais riche de documens originaux. Je ne citerais pas les Mémoires de l’amiral Saint-Vincent, publiés récemment par Tucker[2], et sa Vie, suivie de sa Correspondance[3] par Brenton, si ces deux ouvrages diffus, assez médiocres, et qui n’ont d’intérêt que pour la marine anglaise, n’éclairaient quelques parties curieuses de l’histoire britannique dans les derniers temps. Ces notices biographiques, relatives à l’un des plus sévères chefs maritimes dont l’Angleterre honore le souvenir, donnent beaucoup de détails sur les révoltes de matelots que cet amiral fut obligé d’étouffer, et sur les terribles moyens qu’il employa pour rétablir la discipline sur les flottes anglaises En lisant dans le premier de ces deux ouvrages à quelles extrémités le chef de l’amirauté fut réduit, et quelle terreur la révolte des équipages inspira à l’Angleterre, on ne peut s’empêcher de penser à la prodigieuse force d’équilibre et de combinaison qui soutint si long-temps l’édifice colossal de la grandeur britannique. Surveillance, activité, énergie de tous les momens, par un acte donné au hasard, pas une minute livrée à l’imprévoyance, pas une faute qui ne soit punie avec une inflexible cruauté : ce sont là les conditions de ce pouvoir aussi fragile qu’il est grand.

Vers la fin du XVIIIe siècle, au moment où la révolution française expirante et l’astre de Napoléon, qui s’élevait, menaçaient l’Angleterre d’une ruine qui paraissait inévitable, l’Irlande, ulcère toujours sanglant, achevait de compromettre une situation qui n’a jamais été présentée par les Anglais eux-mêmes dans toute la gravité de son péril. La discipline sur les vaisseaux anglais était d’une dureté excessive ; les Irlandais s’y trouvaient nombreux, et les rapports que ces derniers avaient eus à Cadix avec des prêtres catholiques et avec des émissaires de la France républicaine avaient fomenté leurs espérances. L’insubordination s’était mise dans tous les équipages ; un capitaine Maitland,

  1. Huit volumes in-8o. Edinburgh, 1839 à 1844.
  2. Memoirs of adm. the R. H. the earl of Saint-Vincent, by Jedediah Stephens Tucker ; 2 vol. 1844.
  3. The Life of earl Saint-Vincent, by E. P. Brenton ; 2 vol. 1939.