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que ses remarques sur l’impolitesse des douaniers, sur la multitude des malheureuses qui courent les rues de Londres, sur l’immense étendue de la ville, « qui, dit-elle, offre un assemblage de hameaux juxtaposés, mais non une ville. » Nous voilà bien peu avancés et bien peu instruits sur le cours des évènemens, la tendance des esprits, la réalité des faits, et le sort réservé à l’Angleterre. La dame américaine (qui a soin de s’appeler lady) n’aperçoit que les surfaces ; l’avenir caché dans le présent lui échappe. Laing, Chambers, Porter, et surtout le prophétique Carlyle, nous renseignent bien mieux à ce sujet que la Monnaie rendue à M. Dickens par l’observatrice[1].

Ce sont les journaux républicains qu’il faut placer en regard des nouveaux romans publiés à New-York, pour éclairer ce présent obscur et cet avenir singulier. Là se trouvent des renseignemens certains sur l’état de l’union. Dans le nord, l’afflux des Irlandais est énorme ; il usurpe le territoire et crée une Amérique irlandaise. Dans le sud, comme le dit le poète Dana dans un beau vers,

Le nègre fait trembler le maître qui l’écrase.

Ce double état de choses produit souvent de sanglantes catastrophes, et la constitution s’en tirera comme elle pourra. Déjà la liberté de la presse et la liberté du sujet sont entamées ; on a vu que les lois de la probité ne l’étaient pas moins. Lisez cette constitution : vous la trouvez humaine, juste, philanthropique, digne de Washington et de Franklin. Elle consacre les droits du sujet et assure sa vie ; elle décrète la liberté de l’individu et celle de la presse. Descendez jusqu’aux faits ; examinez comment cette constitution fonctionne. Les papiers publics pullulent de documens curieux à cet égard. La Gazette de Clinton (mai 1843) vous apprendra que « le vendredi soir, 22 mai, la multitude assemblée a décidé du sort de James (accusé, d’avoir poussé les nègres à l’insurrection). Les uns votaient pour les verges, les autres pour la pendaison. Le parti de la pendaison (the hanging party), l’a emporté à une majorité écrasante. La mort de James a été votée par la masse du peuple. D’après ce sentiment, exprimé d’une façon peu équivoque, James a été conduit jusqu’à un mûrier noir, et suspendu à l’une des branches de l’arbre. Nous approuvons entièrement cette mesure, ajoute le rédacteur ; le peuple a agi convenablement[2]. »

  1. Change for the American Notes, in letters from London to New-York, by an american lady ; 1843.
  2. The people have acted properly.