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histoire générale de l’économie politique. Ce sont là de bien séduisantes promesses ; mais les promesses des hommes qu’emporte le tourbillon des affaires sont sujettes à tant d’ajournemens !

Que d’esprits élevés ou délicats les travaux politiques ont ainsi ravis à l’étude de la science et à la culture des lettres ! Combien en pourrait-on citer qui font aujourd’hui un vide irréparable parmi les érudits et les écrivains, et dans le nombre à peine en est-il deux ou trois qui ont la force de suffire à un double devoir et mènent de front les succès de la parole et ceux de la plume ! Rien n’aura été plus fatal au monde scientifique et littéraire que cette attraction exercée sur lui par la politique. En divisant son effort ; l’esprit perd toujours une portion de sa puissance, et il arrive un moment où il succombe sous sa tâches sans pouvoir fournir en aucun point l’entière mesures de sa valeur. Le dommage est réel, reste à savoir s’il présente une compensation suffisante. En se recrutant dans l’élite des savans et des lettrés, la politique gagne-t-elle ce qu’y perdent les sciences et les lettres ? C’est un problème d’arithmétique sociale qu’il est plus facile de poser que de résoudre.

Nommé pair de France en 1839, M. Rossi a pris depuis lors une part très active aux travaux législatifs, et il est peu de débats importans auxquels il n’ait été mêlé, soit comme orateur, soit comme rapporteur. En cette dernière qualité, il a préparé diverses lois entre autres celles des sucres, de la banque de France et du régime financier des colonies : il s’occupe actuellement de la loi sur la réforme pénitentiaire. À la tribune, M. Rossi a révélé un talent rare de dialecticien et une méthode qui éclaire et élève les discussions. Ses connaissances aussi vastes que variées, la sûreté et la promptitude de son coup d’œil, lui assurent une influence qui ne dépend ni des vicissitudes de l’opinion ni des hasards de la parole. C’est une voix écoutée parce qu’elle ne sacrifie ni aux lieux-communs ni aux sophismes. S’il est un reproche que l’on puisse faire à M. Rossi, c’est de ne point conserver sur le terrain de la politique la rigidité d’opinion qu’il apporte dans la science, et de ne pas toujours mettre ses conclusions en harmonie : avec les principes qu’il pose. Un homme qui sait si bien reconnaître la vérité, et qui fait si prompte justice de l’erreur, ne saurait s’abuser ni sur les voies que l’on suit ni sur les moyens que l’on emploie en matière de gouvernement. Il est même des fautes si dangereuses, des déviations si fatales, que le dévouement et la reconnaissance ne sauraient justifier le concours qu’on y attache. Exprimer ce regret, c’est prouver à M. Rossi le cas que l’on fait de son caractère et de son