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fermentent des forces vives, jusqu’à l’heure où, couvé par l’esprit brûlant, il enfantera l’oiseau merveilleux, l’oiseau d’or !

« Un jour, ils s’approchent ; l’œuf est brisé ils s’emportent (puérile colère !) contre le méchant qui a fait le mal ; et, pleurant et criant, ils tiennent les débris dans leurs petites mains.

« Enfans que vous êtes ! insensés ! Là-haut, sur la cime des arbres, n’entendez-vous pas le chant de l’oiseau ? L’être s’éveille, l’apparence s’évanouit, la pensée brise son enveloppe.

« Près de la vierge Marie, un ange s’est approché par le sentier des divins messages : Salut, pleine de grace ! ne crains rien, Dieu est avec toi, tu as trouvé grace devant lui.

« Tu enfanteras un fils que tu nommeras Jésus le Sauveur. Le Seigneur le consacrera pour qu’il soit un roi éternel, et le nommera le fils du Très-Haut.

« Ainsi parle la légende : langage profond, mystérieux ! Mais si vous nous forcez de l’accepter comme un fait, vous la changez en un conte qui n’a plus de sens, vous détruisez le vivant esprit qu’elle renferme.

« Sans doute, c’est un triste devoir pour le poète, quand, armé d’airain pour la guerre, il foule aux pieds et ravage les sentiers fleuris ; mais une voix lui crie : Marche, jusqu’à ce que tu aies pris la forteresse de la vérité.

« La parole de l’ange s’adresse encore aux femmes de la terre : Si la pudeur et l’amour t’enflamment toujours, ô femme ! si ce feu sacré te donne une vie nouvelle et te transfigure, tu demeureras toujours pure, toujours vierge.

« Aussi long-temps que tu ne sauras rien des désirs terrestres, et que, dans les bras de ton époux, tu songeras seulement à Dieu, l’esprit saint descendra sur toi ; il t’enveloppera des forces du Très-Haut.

« Ce que tu enfantes est saint et deviendra grand en esprit. C’est le roi éternel sur la terre. Oui, Dieu a choisi ton sein maternel pour y devenir homme tous les jours, tous les jours.

« Ainsi, avec humilité, semblable à la mère de Jésus, tu reçois le Seigneur dans la pure beauté de ton ame. De la vallée de la terre tu fais un royaume céleste, et tes enfans s’appellent les fils de Dieu. »


J’ai traduit cette pièce tout entière pour indiquer par un seul exemple la manière de l’auteur. On voit que c’est le dernier terme de la doctrine hégélienne ; on voit que ce sont ses plus grandes hardiesses, ses excès les moins tolérables. L’humanité substituée au Christ, tel est aussi l’enseignement de M. Strauss, et M. Feuerbach n’a-t-il pas montré les précieux avantages de ce dogme dans un style badin et léger qui voudrait rappeler Voltaire ? Ce qui distingue M. de Sallet, c’est une certaine grace mystique unie à la fermeté de ses croyances.