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ne peuvent se trouver que chez Aristophane, et qui font comprendre l’origine qu’Aristote donne à la comédie[1].

L’usage de recevoir des cadeaux sans qu’il en résulte aucun sentiment d’humiliation pour celui qui reçoit est encore un trait de ressemblance qu’offrent les mœurs antiques avec les mœurs actuelles de la Grèce et de l’Orient. Ulysse se fait faire des présens toutes les fois qu’il en trouve l’occasion, et Achille parle avec complaisance des beaux dons qu’il a reçus de Priam.

Il n’est pas jusqu’à des usages religieux ou superstitieux que les sectateurs de l’islamisme, malgré leur horreur de toute idolâtrie, ne semblent avoir empruntés au paganisme[2]. Un voyageur a vu avec étonnement des femmes turques offrir des alimens et des parfums aux Parques dans une grotte près de l’Illissus, et il a remarqué l’analogie de la danse des derviches tourneurs avec la danse des corybantes, telles que la décrit Apulée ; mais ici, je pense, avec M. Lenormant, qu’il faut remonter plus haut et voir dans les contorsions des derviches un reste des danses furieuses que d’anciens peuples de l’Asie avaient enseignées aux corybantes.

Je l’ai déjà dit, plusieurs de ces usages qu’on trouve chez les Turcs actuels et chez les anciens Grecs ne sont point dérivés les uns des autres, mais appartiennent également aux habitudes générales de l’Orient. Ainsi, Nestor, Achille, Hector, Priam, font des ablutions avant la prière comme plus dévot musulman. D’autre part, l’esclavage sous des tyrans orientaux avait forcé les Grecs d’adopter certains usages de l’Orient. En approchant le pacha, il fallait se prosterner et baiser la terre, selon l’ancienne coutume orientale dont parle Oreste dans Euripide. Ces usages disparaissent chaque jour ; ils ont cessé d’être grecs, ou plutôt ils ne l’ont jamais été. Les Grecs, redevenus libres, les ont bannis comme ils ont banni les mots turcs qui s’étaient glissés dans leur idiome à la faveur de la servitude. Ces mots ont disparu de la langue le lendemain du jour où les Turcs ont disparu du territoire.

Le langage est ce qu’il y a en Grèce de plus antique. C’est un grand charme pour celui qui a voué un culte à l’antiquité grecque d’entendre

  1. Poétique d’Aristote, cap. IV.
  2. Les tombeaux turcs sont pareils aux anciens tombeaux grecs ; la pierre verticale au sommet de laquelle on sculpte un turban est la stèle dont parle Homère : « Ses frères et ses amis l’honoreront par un tombeau et une stèle, honneur qu’on accorde aux morts. » (Illid., XVI, 457).