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le ciel était chargé de nuages. Il y avait près d’une heure que Mme  de Vaubert marchait sous des ombrages embrasés que ne rafraîchissait aucune brise. Elle s’assit sur une des marches du perron, et passa son mouchoir sur son front et sur son visage, tandis que Stamply se tenait devant elle, immobile et roulant entre ses doigts les larges bords de son chapeau de feutre qu’il n’avait pas cessé de tenir à la main durant toute la promenade.

— Madame la baronne mettrait le comble à ses bontés, dit-il enfin d’un air suppliant, en daignant venir se reposer un instant chez moi. Je serais d’autant plus touché d’une faveur si grande, que je m’en reconnais moins digne.

— Ma mère, dit aussitôt Raoul, qui avait hâte d’en finir avec cette comédie, dont il n’entrevoyait ni le but ni le sens ; ma mère, un gros orage se prépare ; il nous reste à peine le temps, avant que la nue crève, de regagner notre demeure.

— Eh bien ! mon fils, laissons passer l’orage, répondit Mme  de Vaubert en se levant, et puisque notre aimable voisin nous offre une hospitalité si cordiale, allons attendre sous son toit que le ciel nous permette de regagner le nôtre.

À ces mots, la figure de Stamply rayonna, et sa bouche s’épanouit en un sourire de béatitude. Quel triomphe, en effet, pour lui, de recevoir Mme  de Vaubert et de montrer ainsi à ses gens, qui ne manqueraient pas d’en instruire tout le pays, qu’il était moins déconsidéré que les méchans ne se plaisaient à le dire et les sots à le croire ! Leicester recevant la reine Élisabeth dans le château de Kenilworth ne fut ni plus heureux ni plus fier qu’en cet instant maître Stamply, lorsqu’il vit la baronne monter les degrés du perron et franchir le pas de sa porte. Raoul suivit sa mère avec un mouvement d’humeur que celle-ci feignit de ne point remarquer, et que ne remarqua point Stamply, tout absorbé qu’il était dans sa joie et dans son bonheur. Lorsque, après avoir introduit ses hôtes dans le salon, le bonhomme se fut esquivé pour veiller lui-même aux soins de l’hospitalité, Raoul, demeuré seul avec sa mère, allait enfin lui demander l’explication d’une énigme dont il s’épuisait vainement à chercher le mot depuis une heure ; mais il en fut empêché par un autre sentiment de curiosité qui lui ferma la bouche et lui fit ouvrir de grands yeux.

Quoiqu’on n’eût rien changé à la disposition des appartemens, l’intérieur du château de La Seiglière ne répondait plus à la magnificence du dehors. Tout s’y ressentait de l’incurie et des habitudes moins qu’aristocratiques, bourgeoises tout au plus, du nouveau pro-