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la vallée une agréable fraîcheur. La fabrique consiste en un long bâtiment divisé en plusieurs corps de logis. Directeur, employés, chacun a une habitation séparée. La poudre est fabriquée d’après les procédés d’Europe : le mélange s’opère à l’aide d’une machine que l’eau met en mouvement. Cet établissement ne produit que de la poudre commune et très faible. La vente des poudres au Brésil ne semble guère favorisée par le gouvernement. Avant mon départ de Rio, j’avais voulu me procurer de la poudre anglaise, et plusieurs marchands m’avaient répondu qu’ils n’en vendaient pas. Le gouvernement avait donné l’ordre d’acheter les poudres importées, afin d’éviter qu’elles fussent expédiées dans les provinces où s’agitent les mécontens.

En quittant la poudrière, il faut s’engager dans des bois assez épais et gravir les pentes escarpées de la sierrad’Estrella ; une chaussée mal pavée rend cette ascension difficile et lente, on n’arrive au sommet de la montagne qu’après trois heures de marche, mais on est dédommagé par une vue magnifique. Toute la baie de Rio s’étend à vos pieds. La montagne appelée Pain de Sucre remplit le fond du tableau. Nulle position n’est plus favorable pour contempler la baie, dont les contours forment à cette distance un ensemble harmonieux. Les montagnes que vous avez successivement gravies étagent autour de la sierra leurs plateaux chargés des végétations les plus variées. Dans la plaine règne la culture du mais, du café, de la canne à sucre, plus haut, celle du mais et du café seulement ; plus haut encore, on ne voit que des arbres que l’homme a respectés, des rochers couverts de plantes parasites et sillonnes de torrens qui se précipitent avec bruit dans la plaine. Après un instant de repos, je me remis en marche, suivant les bords d’un torrent, le Piabanha, qu’on traverse plusieurs fois sur des ponts en bois. Ce torrent, qui se réunit plus loin au Parahyba, a un aspect sauvage ; des arbres croissent au milieu des rochers, des lianes descendent et plongent jusque dans, l’eau. Je m’arrêtai à Padre-Corréo ; une église et quelques maisons qui s’élèvent autour d’une place, dont un immense figuier forme le centre, composent ce village. Je m’établis dans une venda renommée comme une des meilleures de la route ; en effet, j’obtins une chambre où sur quelques bâtons en croix on étendit une natte ; le propriétaire était convaincu que son auberge était des plus comfortables, et que j’étais trop heureux de partager toutes ces jouissances. Mon dîner, fut cependant chose assez difficile : ce n’est qu’au bout de trois grandes heures qu’on put me servir une poule bouillie et du riz cuit à l’eau. Les Brésiliens aimeraient mieux mourir que de se presser. La réclusion volontaire ou