Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 7.djvu/81

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

forcée des femmes vous oblige à attendre avec patience les quelques mauvais plats qu’il leur plaira de vous envoyer. Un étranger ne pénètre jamais dans l’intérieur des maisons, la cuisine est l’asile inviolable des Brésiliennes, là, vêtues d’une chemise, quelquefois d’un japon, elles président aux soins du ménage, donnant leurs ordres aux négresses, ou veillant elles-mêmes à la préparation des mets Je n’ai jamais pénétré dans cette enceinte sacrée ; pourtant une porte, entr’ouverte par la curiosité, m’a permis plus d’une fois de m’assurer de la saleté qui règne dans cet intérieur Les mets indigènes répondent à ces tristes apparences. Les Brésiliens mangent de la viande salée ordinairement fétide, et des haricots noirs qu’ils mêlent à de la farine de manioc ou de mais.

Parahyba, qu’on rencontre en quittant Padre-Corréo, est un petit village formé de quelques maisons et de quelques boutiques ; pour y arriver, il faut traverser en bac la rivière de Parahyba, qui a plus de deux cents mètres de largeur ; les bords sont peu escarpés, mais de nombreux rochers en rendent la navigation impossible Parahyba doit toute son importance au séjour forcé des caravanes qui se rendent à Porto d’Estrella ou retournent à Ouropreto ; le bac ne contient que six ou huit mules, et, pour peu que les caravanes, soient nombreuses, il faut plus de six heures pour passer la rivière. On ne parle pas d’établir un pont sur le Parahyba ; en attendant, on est soumis à un péage de cinquante reis par tête d’animal chargé ou nin.

Je devais passer la nuit chez un propriétaire dont l’habitation, voisine de Parabyba, s’élevait près d’une forêt vierge ; la nuit était déjà avancée. Je dus traverser la forêt dont j’entrevoyais à peine les arbres immenses, qui semblaient former devant moi une barrière insurmontable Enfin, j’atteignis un vallon jadis cultivé, et je traversai des masses de bambous si serrées, que je pouvais me croire encore au milieu de la forêt. L’habitation, but de recherches si pénibles, était une pauvre farenda, espèce de ferme, autour de laquelle on n’apercevait que des plantations de café en assez triste état. Après quelques heures passées dans ce misérable gîte, je m’engageai de nouveau dans les bois, à travers des vallons où l’on commençait à abattre les arbres pour planter soit du riz, soit du café. Les cultivateurs creusent dans la terre des trous peu profonds, de distance en distance, et y jettent quelques grains, soit de riz, soit de maïs. Si l’année est favorable, un alquiere (décalitre) de maïs ou de riz produit deux cents pour un. Les sécheresses viennent souvent détruire toutes les espérances, et l’absence de communications régulières empêchant une province de suppléer