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spirituelle, plus relevée, savoir, l’action intérieure par laquelle nous pouvons modifier et déterminer notre existence morale. Ici, ce n’est plus l’action d’une force sur un terme étranger, c’est l’action d’une force sur soi-même, c’est son développement, c’est sa vie. Quand mon activité pensante forme une idée, cette idée n’est pas hors de moi ; elle n’est pas séparée, quoiqu’elle en soit distincte, de l’activité qui l’enfante ; elle est cette activité elle-même qui se détermine et se féconde. L’idée passe, l’activité reste, et produit des idées nouvelles. Voilà le type primitif sur lequel les panthéistes conçoivent l’action divine. Pour eux, les êtres de ce monde ne sont pas extérieurs à Dieu, bien qu’ils s’en distinguent formellement ; ils n’ont point une existence séparée ; ils sont les effets immanens d’une activité éternelle et inépuisable qui les produit sans mesure et sans terme dans l’espace et le temps, sans y tomber elle-même, toujours pleine, parfaite, immobile en soi.

Sont-ce là des mots et des métaphores ? Quand je parle d’une force qui agit sur un terme extérieur, ou d’une activité qui se détermine par elle-même, sais-je ou non ce que je dis ? Ai-je ou non une idée positive ? Mais, dit-on, cette double action est environnée de mystères. Que sera-ce, si de l’homme on s’élève à Dieu, du fini à l’infini, du relatif à l’absolu ? Les difficultés deviendront infinies comme l’objet de la pensée et se changeront en impénétrables énigmes. Je réponds par le mot de Montaigne : « Nous ne savons le tout de rien ; » tout est mystère autour de nous, et, comme disait Pascal, l’homme est à lui-même le plus profond de tous les mystères. Est-ce à dire que nous ne sachions rien ? Nous ne pouvons, dites-vous, comprendre Dieu. Je le crois bien, nous ne pouvons comprendre un atôme. Celui qui connaîtrait dans son fonds et dans son tout la plus chétive des créatures connaîtrait tout le reste, et aurait le secret de Dieu. Leibnitz disait avec esprit et avec grandeur : « Dieu est un géomètre qui calcule et résout incessamment ce problème : Étant donné une monade, un atôme de l’existence, déterminer l’état présent, passé et futur de tout l’univers. » Mais n’y a-t-il pas un milieu entre comprendre et ignorer, entre connaître absolument et ne point connaître du tout ? En bonne logique, prouver qu’on ne peut avoir l’idée complète d’une chose, est-ce prouver qu’on n’en peut avoir aucune idée ? N’est-il pas clair que, dans les notions les plus positives et les plus précises d’un être imparfait, il y aura toujours la part des ténèbres et du néant ?

M. Jules Simon nous livre le secret de son opinion sur le panthéisme, quand il pose en principe que la raison humaine ne peut connaître