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leurs différends avec le Maroc. Probablement l’attitude énergique de la France n’aura pas nui au succès de leurs négociations. L’empereur Abderrahman voulait réserver toutes ses forces contre nous. L’Espagne, dans cette circonstance, aura peut-être regretté de séparer ainsi sa cause de la nôtre. Nous devons reconnaître cependant que ses embarras intérieurs peuvent lui servir d’excuse. Il est juste qu’avant de ménager nos intérêts, l’Espagne songe aux siens, qui réclament en ce moment toute son attention.

Les opérations électorales vont commencer ; le résultat en est indiqué d’avance. Tout prouve que le parti modéré aura dans les cortès une forte majorité. Par une résolution qu’on doit blâmer, et qui fait naître des doutes sur la légalité de leurs desseins, les progressistes se sont écartés de la lutte. Leurs chefs ne se présenteront pas dans les collèges. L’arène est ainsi abandonnée aux modérés et au parti carliste, qui figurera pour la première fois dans les cortès depuis 1833, mais en très petite minorité. Les modérés seront donc les maîtres de la situation. C’est dans leurs mains que sera remis le sort de l’Espagne constitutionnelle. Ils auront à régénérer le pays, à effacer les dernières traces de la guerre civile, à fermer la carrière des soulèvemens provinciaux, des révoltes militaires, des questions dynastiques, de tous les abus et de tous les désordres au milieu desquels l’Espagne se débat depuis, onze ans. Les preuves que le parti modéré a déjà données de son patriotisme et de ses lumières font espérer qu’il remplira sa tâche avec honneur. Il compte dans ses rangs des hommes dont la capacité administrative et les talens oratoires sont estimés dans toute l’Europe. Lui seul, de tous les partis qui se sont disputé l’Espagne dans ces derniers temps, possède la science du gouvernement. On lui doit les mesures qui ont été les plus efficaces contre l’anarchie. C’est lui qui a courageusement refusé de consacrer la constitution de 1812, présentée sur les baïonnettes des révoltés de la Granja ; c’est lui, c’est son initiative, c’est l’éloquence de ses hommes d’état qui ont contribué principalement à faire proclamer l’an dernier la majorité de la reine. A différentes époques, les modérés, bien qu’ils n’eussent pas perdu leur influence dans le pays, ont cru devoir s’effacer de la scène des évènemens, et laisser le pouvoir entre des mains, sinon plus fermes, du moins plus dures que les leurs ; la violence de la lutte n’admettait pas les tempéramens de leur politique : aujourd’hui, leur politique convient pleinement à la situation. Qu’ils concertent leurs efforts, qu’ils restent unis, et une nouvelle ère de prospérité s’ouvrira pour l’Espagne.

M. Mon n’a pas attendu les cortès pour introduire quelques réformes dans les finances. Tout le monde sait que les finances de l’Espagne sont dans un désordre effroyable. Depuis long-temps, le gouvernement espagnol vit d’expédiens ruineux qui ont élevé sa dette à un chiffre inconnu. C’est un abîme que l’on n’ose sonder. L’ancienne monarchie a ouvert la plaie ; les révolutions, l’anarchie, la guerre civile, l’ont envenimée et agrandie. Maintenant les abus qu’il faudrait déraciner trouvent malheureusement dans toutes les classes une foule de gens intéressés à les soutenir. Ces abus sont le fléau