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tout d’un coup les fers et les fontes belges d’un droit qui leur ferme pour ainsi dire le débouché de l’Allemagne.

Cette interprétation des faits jusqu’alors connus était plausible ; mais un journal de Liège vient de publier un document prussien qui a jeté une grande lumière sur l’origine véritable de cet évènement et démontré que les causes de la rupture datent de beaucoup plus loin. Cette pièce diplomatique, évidemment émanée de la légation prussienne, porte le titre de Mémoire du gouvernement prussien notifié au gouvernement belge le 18 juillet 1844. On y voit que, dès 1837, le cabinet de Bruxelles a cherché à conclure une alliance commerciale avec le Zollverein, et que plus tard il l’a poursuivie concurremment avec les arrangemens qui se négociaient à Paris pour l’union douanière. L’arrêté du 28 août 1842 n’était pas une avance faite gratuitement à l’Allemagne ; il rétablissait les conditions d’un traité futur avec le Zollverein, dont la convention récente avec la France venait de déranger l’équilibre. Cette longue affaire diplomatique a eu plus d’une péripétie. Le gouvernement belge, de l’aveu même des journaux qui ont discuté le Mémoire prussien, a employé plus d’une fois les faux-fuyans et les moyens dilatoires, quand la Prusse le pressait enfin de conclure. On le voit se refroidir à l’égard du Zollverein chaque fois qu’il a quelque faveur à obtenir de la France et reprendre ses projets d’alliance prussienne dès qu’il craint que la France ne trouve dans les concessions qu’elle lui fait le moyen d’accroître son influence politique. Ce jeu difficile de bascule n’a pas réussi aux négociateurs belges. La Prusse a fini par exiger que le cabinet de Bruxelles s’expliquât catégoriquement sur les bases du traité à venir. Or, à ce point-là, celui-ci n’a pu éviter plus long-temps de rencontrer la difficulté qui, des l’origine de la négociation, devait la faire échouer. Ce que la Belgique voulait, c’était l’abaissement du droit de sortie sur les laines allemandes nécessaires à ses manufactures de draps et un privilège pour l’entrée de ses fontes et de ses fers, et elle offrait en retour des avantages secondaires ou illusoires sur les droits de navigation, sur les vins, sur les soieries allemandes. D’un autre côté, la Prusse, contrainte comme chef du Zollverein d’encourager l’industrie métallurgique des états associés, a déclaré ne pouvoir faire en faveur de la Belgique aucune exception à un tarif essentiellement hostile à toute industrie métallurgique étrangère. Toute la négociation s’est donc resserrée autour de cet article, les fers et les fontes, et il s’est trouvé que la Belgique et la Prusse, forcées également de protéger avant tout chez elles la même industrie, n’ont pu se faire aucune concession. De là les malentendus, les manœuvres diplomatiques, les mécomptes, la rupture ; voilà pourquoi aussi cette rupture a été signalée de la part de la Prusse précisément par une aggravation de droits sur les fontes et les fers belges, qui équivaut à la prohibition.

Il suffit d’indiquer une situation pareille pour montrer tout le parti que notre gouvernement pourrait en tirer, s’il avait l’esprit assez libre pour pré