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des auditeurs avait été tel, qu’on avait peine à trouver place dans les églises. Toute la population environnante, à huit et dix lieues à la ronde, quittait ses travaux pour se rendre aux sermons. Des familles entières passaient huit ou dix jours loin de leurs habitations pour suivre des exercices de piété imposés par le missionnaire. Si ces pieuses tentatives, faites par des prédicateurs zélés, se multipliaient, elles auraient un effet salutaire sur les mœurs générales et particulièrement sur les mœurs du clergé. A l’époque de mon passage, il y avait six mois déjà que le missionnaire avait quitté Rio-Manso.

La route longue et triste qui mène à l'arroial du Grand-Mogol ne prépare que trop le voyageur aux pénibles impressions que l’aspect de ce lieu fait éprouver. Je mis sept jours à franchir les cinquante-huit lieues qui séparent l’arroial de Diamantina. Après avoir dépassé le Rio-Manso, on s’élève sur un de ces vastes plateaux que les Brésiliens nomment chapadas. Rien de plus monotone que les chapadas ; mais on y marche du moins sur un terrain sec et uni. Quelques grandes fermes, de pauvres villages, se montrent çà et là dans les positions favorables aux cultures. A trente lieues environ de Diamantina, on rencontre le Jequitinonha. Le cours de la rivière, en cet endroit, est très rapide. Au-delà du Jequitinonha, on recommence à gravir. La route n’offre plus rien d’intéressant jusqu’à l’Itacambirason, qu’on traverse sur un pont jeté au milieu de rochers sauvages et d’une formation bizarre. Bientôt la végétation cesse entièrement, le pays devient de plus en plus âpre et désolé. Une haute colline sépare le voyageur de l’arroial du Grand-Mogol : après avoir franchi cette colline, le long de laquelle serpente une route détestable, on rencontre une caserne occupée par les troupes employées à la surveillance du district, puis on entre dans l’arroial, longue rue bordée de maisons pauvres et mal bâties. Une tristesse immense, insurmontable, saisit l’ame de celui qui voit se dérouler pour la première fois devant lui le site sauvage au milieu duquel s’élève le misérable village du Grand-Mogol. L’espoir de faire une rapide fortune peut seul décider l’homme à s’ensevelir vivant dans ces affreuses solitudes. Rien ne peut distraire les habitans de la poursuite obstinée des trésors. Il n’y a ici en présence que les plus tristes instincts de l’homme et les plus sombres aspects de la nature.

La chaîne de montagnes désignée sous le nom de Grand-Mogol, le Ribeiron et l’Itacambirason furent explorés pour la première fois en 1813. Dans le cours des années suivantes, le gouvernement envoya des employés chargés de diriger quelques travaux, et les diamans rendirent à la couronne d’immenses bénéfices. Forcé, après la révolution