Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 7.djvu/99

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le mulâtre passe ordinairement son enfance dans l’esclavage, il ne doit la liberté qu’à son travail, et n’entre dans la société qu’avec un sentiment de haine et de vengeance contre les blancs. Plus actif, plus intelligent que le Brésilien, il aspire à s’emparer du pouvoir. Parmi les mulâtres affranchis dès l’enfance, on cite des hommes distingués. Tous ont une merveilleuse aptitude aux travaux les plus divers. La position d’infériorité où les place leur origine stimule leur zèle, et ils n’ont ni l’apathie, ni l’insouciance des Brésiliens. S’ils ne peuvent supplanter la société brésilienne et portugaise dans tout l’empire, ils l’excluront certainement de quelques provinces, et surtout de celle de Bahia, où la suprématie leur semble promise. Le jour où ce triomphe s’accomplira sera un jour de réactions terribles contre les propriétaires blancs. Le mulâtres seront sans pitié pour eux. Leur cri d’union est : Mort aux Portugais ! Les nègres libres soutiendront les mulâtres. Il faudrait d’autres hommes à la tête des affaires pour arrêter l’élan donné à cette population nombreuse, qui a tout à gagner au désordre.

L’intelligente activité des mulâtres devrait provoquer l’émulation de la société d’origine portugaise et européenne. Il n’en est rien. Cette société voit la supériorité morale lui échapper sans tenter aucun effort pour la ressaisir. Fortifier l’instruction serait un premier pas dans une voie meilleure ; mais ce pas n’a point encore été fait. La plupart des Brésiliens ne reçoivent d’autre enseignement que celui des écoles primaires. La province de Rio-Janeiro, dont la population s’élève à quatre cent mille ames, compte treize cent cinquante élèves qui suivent ces écoles. La province de Minas-Geraës, la plus peuplée de l’empire et celle dont la population est la plus intelligente, envoie aux écoles primaires près de sept mille élèves. Les autres provinces y envoient de mille à deux mille élèves, qui, lorsqu’ils ont appris à lire et à écrire, se regardent comme suffisamment instruits. Le nombre de ceux qui passent quelques années soit aux universités du pays, soit à celles d’Europe, est très limité. Il y a deux écoles de médecine, l’une à Bahia, l’autre à Rio-Janeiro ; ces écoles sont suivies par trois cents élèves. Les écoles de droit d’Olinda et de San-Paulo comptent environ deux cents étudians. Il y a encore une académie des beaux-arts, que fréquentent quatre-vingts étudians, un enseignement commercial que soixante jeunes gens viennent écouter. En résumé néanmoins, toutes ces écoles, dirigées par d’ignorans professeurs, n’ont aucune influence favorable à la civilisation. Les diplômes d’avocat et de médecin sont accordés avec une facilité qui dispense d’étudier. Un Français, ne sachant comment vivre, voulut obtenir l’autorisation d’exercer la médecine,