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trop forte : bien loin de là, Pascal croyait au christianisme de toutes les puissances de son ame. Je ne veux point revenir et insister ici sur la nature de sa foi : je n’ai pas craint de l’appeler une foi malheureuse, et que je ne souhaite à aucun de mes semblables ; mas qui jamais a pu nier que cette foi fût sincère et profonde ? Il faut poser nettement et ne pas laisser chanceler le point précis de la question : c’est en philosophie que Pascal est sceptique, et non pas en religion, et c’est parce qu’il est sceptique en philosophie qu’il s’attache d’autant plus étroitement à la religion, comme au seul asile, comme à la dernière ressource de l’humanité dans l’impuissance de la raison, dans la ruine de toute vérité naturelle parmi les hommes. Voilà ce que j’ai dit, ce que je maintiens, et ce qu’il importe d’établir une dernière fois sans réplique.

Qu’est-ce que le scepticisme ? Une opinion philosophique, qui consiste précisément à rejeter toute philosophie, comme impossible, sur ce fondement. que l’homme est incapable d’arriver à la vérité, encore bien moins à ces vérités qui composent ce qu’on appelle en philosophie la morale et la religion naturelle, c’est-à-dire la liberté de l’homme, la loi du devoir, la distinction du juste et de l’injuste, du bien et du mal, la sainteté de la vertu, l’immatérialité de l’ame et la divine providence. Toutes les philosophies dignes de ce nom aspirent à ces vérités. Pour y parvenir, celle-ci prend un chemin, et celle-là en prend un autre : les procédés diffèrent ; de là des méthodes et des écoles diverses, moins contraires entre elles qu’on ne le croit au premier coup d’œil, et dont l’histoire exprime le mouvement et le progrès de l’intelligence et de la civilisation humaine. Mais les écoles les plus différentes poursuivent une fin commune, l’établissement de la vérité, et elles partent d’un principe commun, la ferme confiance que l’homme a reçu de Dieu le pouvoir d’atteindre aux vérités de l’ordre moral, aussi bien qu’à celles de l’ordre physique. Ce pouvoir naturel, qu’elles le placent dans le sentiment ou dans la réflexion ou dans le raisonnement ou dans la raison ou dans le cœur ou dans l’intelligence, c’est là entre elles une querelle de famille ; mais elles s’accordent toutes sur ce point essentiel qui les fait être, à savoir, que l’homme possède le pouvoir d’arriver au vrai, car à ce titre, et à ce titre seul, la philosophie n’est pas une chimère.

Le scepticisme est l’adversaire, non pas seulement de telle ou telle école philosophique, mais de toutes. Il ne faut pas confondre le scepticisme et le doute. Le doute a son emploi légitime, sa sagesse, son