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des marchandises est d’un tiers ; que des économies de cette nature ont déjà procuré au public belge un bénéfice équivalent au septième des impôts ; qu’enfin, si les mêmes résultats se produisaient en France, l’avantage équivaudrait, pour nous, à un dégrèvement annuel de 200 millions sur le budget. Dans une leçon sur l’utilité stratégique des chemins de fer, on voit manœuvrer les chiffres d’une manière non moins victorieuse. En supposant pour chacune des sept grandes lignes projetées un matériel représentant 10,000 chevaux de vapeur, on aurait en disponibilité, pour le train, une force équivalente à celle de 4,200,000 chevaux d’écurie. « Que ne transporterait-on pas, je vous le demande, s’écrie le professeur, avec 4,200,000 chevaux ? »

On pourrait craindre, nous l’avouerons, que ces élans d’enthousiasme n’eussent faussé quelquefois les calculs du statisticIen. Nous montre-t-il, par exemple, un chemin de fer aux environs de Philadelphie pour le service duquel deux hommes suffisent, il ajoute, sur un ton admiratif, qu’à l’époque de la conquête du Nouveau-Monde par les Espagnols, tous les fardeaux étant alors portés à dos d’hommes, il eût fallu une armée de 23,000 hommes pour la tâche opérée aujourd’hui par les deux chauffeurs pensylvaniens, qu’ainsi, de compte fait, « la puissance productive de l’homme s’est accrue, dans cette partie du globe, dans la proportion de 1 à 11,500. » M. Michel Chevalier oublie que les deux conducteurs de la locomotive ne sont pas les seuls agens du transport ; qu’à leur labeur, il faudrait ajouter le nombre des journées représentées par l’énorme capital engagé dans des ouvriers employés pour la construction de la voie et des machines, l’extraction du combustible, pour les soins divers d’une vaste administration. Après ce calcul, le bénéfice sur l’emploi des forces humaines, quoique considérable encore, paraîtrait beaucoup moins prodigieux.

L’opportunité de l’intervention de l’état dans les travaux publics, question à l’ordre du jour, a fourni le texte de plusieurs leçons. Chez les nations modernes, dont la vitalité est entretenue surtout par le mouvement industriel, cette dénomination de travaux publics est principalement appliquée aux moyens de communication. La somme des sacrifices que chaque état s’impose pour cet objet doit augmenter de jour en jour. Ce seul chapitre de notre budget, de 54 millions qu’il absorbait en 1830, s’est élevé rapidement jusqu’à la somme de : 152 millions, sans compter les cotisations locales. Les voies tracées sur le sol pour un usage public, étant la propriété indivise d’un peuple,