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au gouvernement, et en réduisant le terme des concessions à moins de 60 ans, au lieu du maximum de 99 ans. L’abondance des capitaux, la rivalité des spéculateurs, chez les uns l’engouement et chez les autres l’espoir de brusquer la fortune suggèreront des combinaisons de plus en plus favorables et dont le public devra profiter.

Les chemins de fer seraient d’un faible avantage pour les classes laborieuses, si l’autorité négligeait d’opposer une vigilance tutélaire à la cupidité des compagnies. L’établissement d’une voie desservie par la vapeur a pour effet d’annuler les autres services de transports, et constitue un monopole dont l’abus serait une calamité publique ; on doit donc veiller à ce que les concessionnaires ne lèvent pas un impôt forcé sur les pauvres en les obligeant, par des vexations, à prendre des places d’un prix supérieur à celles qu’ils auraient choisies par économie. Certaines compagnies anglaises ont donné en ce genre l’exemple d’une rapacité scandaleuse. La réduction du nombre des places de dernière classe n’ayant produit qu’une diminution des recettes, on a spéculé sur l’inquiétude des voyageurs économes en ne répondant plus de leurs bagages, et on a imaginé pour eux des espèces de caisses (stanhopes) où ils doivent se tenir debout, parqués comme du bétail et ballottés les uns sur les autres. Chez nous-mêmes, les wagons découverts ont donné lieu aux plaintes les plus vives. Récemment, l’opinion publique s’est émue d’une pièce signée par plusieurs médecins de l’Alsace pour déclarer que l’usage des voitures découvertes sur la ligne de Strasbourg à Bâle a occasionné un grand nombre de maladies.

Une question incidente, celle de l’application de l’armée aux travaux d’utilité publique, a inspiré au professeur une série de leçons d’un solide intérêt. C’est encore un de ces problèmes qui relèvent plutôt de la politique générale que de la science économique. Le régime social, la protection due aux classes ouvrières autant par prudence que par sympathie, fournissent alors des considérations de plus grands poids que les calculs du financier. Dans les sociétés anciennes, où l’existence des pauvres réduits en servitude était du moins assurée, indépendamment de la quotité de leur travail, il était heureux pour ceux-ci que les nobles citoyens des armées se chargeassent, par point d’honneur, des corvées les plus pénibles, telles que la confection des chemins. Dans des pays où la circulation n’a pas encore établi la vie commerciale, où les bras manquent au travail, il devient souvent avantageux de mettre la pioche et la truelle aux mains faites pour manier le sabre. On conçoit les colonies militaires dans