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quelques semaines inspire des craintes à beaucoup d’esprits. On admire aujourd’hui la situation de la Bourse ; les capitaux abondent sur la place ; mais demain, les prêteurs de l’emprunt et les soumissionnaires des chemins de fer enlèveront des sommes immenses pour répondre à leurs engagemens. Pendant vingt mois, la Bourse aura à supporter le fardeau périodique de l’emprunt, et les compagnies de chemins de fer pèseront sur elle peut-être plus long-temps. Ne parle-t-on pas depuis plusieurs jours d’une compagnie qui présentera un capital de 400 millions ? Au milieu des appels de fonds qu’entraîneront des opérations si gigantesques, que de fluctuations dangereuses peut amener un engouement irréfléchi ? Sans compter les circonstances critiques dont nous sommes toujours menacés, et qu’il est impossible d’oublier quand il s’agit de la Bourse, c’est-à-dire d’un terrain où les moindres secousses, exagérées par l’intérêt ou par la peur, peuvent produire des catastrophes.

La situation politique de plusieurs pays étrangers mériterait en ce moment une étude approfondie. Les états du Nord sont travaillés par des mouvemens populaires. La Suède enfante sa constitution. En Pologne, on annonce la découverte d’une conspiration. Des arrestations nombreuses ont été faites. Le bras de la Russie inflige des tortures atroces à de malheureux prévenus, qui peut-être ne sont pas coupables. Ils expirent dans les supplices sans proférer une parole. Quand ils meurent avant d’avoir subi toute leur peine, on continue de sévir sur leurs cadavres, et les parens des victimes sont contraints d’assister à ces exécutions. C’est ainsi que l’empereur Nicolas étouffe les derniers cris de la nationalité polonaise. Voilà sa réponse à l’amendement sur la Pologne. La vue, se repose de ces horreurs en contemplant l’aspect tranquille de l’Allemagne, et l’activité commerciale des divers états englobés dans l’union des douanes. Les jésuites, admis à Lucerne, y ont provoqué des troubles graves. Cela ne surprendra personne. Le sang a coulé dans la lutte. La tranquillité est rétablie en ce moment, mais la nature du débat et le caractère des hommes qui l’ont soulevé laissent pour l’avenir de sérieuses inquiétudes. L’Angleterre et l’Irlande, ont aussi leurs questions religieuses. Les évêques catholiques d’Irlande viennent de prendre une résolution importante. Plusieurs d’entre eux ont accepté les fonctions de commissaires du bill des donations. L’objet de ce bill, voté dans la dernière session, est de rétablir le droit de propriété de main-morte au profit du clergé catholique d’Irlande. On sait qu’en Irlande le clergé catholique n’est point salarié par l’état. Il reçoit les contributions volontaires du peuple. Cette situation le met nécessairement à la merci des masses, et en fait un instrument d’opposition permanente contre le pouvoir. Offrir au clergé catholique une existence indépendante, c’était le moyen de détruire l’élément le plus puissant de désunion entre l’Angleterre et l’Irlande. Plusieurs évêques ont donc accepté cette propriété de main-morte, qui doit les dispenser de recourir aux contributions volontaires ; mais les ultrà-catholiques fulminent ; ils crient à la trahison ; ils déclarent que l’église d’Irlande est asservie, et