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nité ? que la France y demeure indifférente, et que la Belgique la tolère ? enfin, que les deux gouvernemens aient fait entre eux de nombreux traités, sans mettre fin à un scandale dont ils souffrent, l’un dans ses intérêts matériels, et l’autre dans ses intérêts moraux ?

La contrefaçon a ruiné la librairie en France et la littérature en Belgique. C’est peut-être la seule fraude qui n’a profité à personne. Aussi devient-il plus facile, après une expérience aussi décisive, de s’entendre pour la réprimer. Le gouvernement français a donné l’exemple en stipulant, dans le traité conclu en 1840 avec la Hollande, des garanties légales pour la propriété des ouvrages de l’esprit. Il ne lui est pas permis désormais de signer un traité avec la Belgique sans que la répression de la contrefaçon en fasse partie.

La Belgique paraît aller au-devant de ce vœu. Elle ne demande pas mieux que d’acheter, par une telle concession, le renouvellement de la convention du 16 juin. M. le ministre des affaires étrangères serait donc inexcusable, s’il ajournait encore une fois des négociations qui peuvent amener un résultat aussi vivement désiré. Il lui reste assez de loisirs, jusqu’à la convocation des chambres, pour amener à fin une entreprise qui ne présente pas plus de difficultés. Obtenir des avantages considérables sans déranger le statu-quo, voilà, certes, une bonne fortune pour sa politique. Si cette affaire avortait dans ses mains par défaut d’empressement, nous ne voyons plus ce qui pourrait lui réussir.

Le traité du 1er septembre sera vivement reproché à M. Guizot, qui aurait pu l’empêcher. N’ayant pas mis obstacle au rapprochement de la Belgique et de la Prusse, comprendra-t-il du moins la nécessité de ramener la Belgique vers nous par quelque arrangement qui fasse contre-poids aux succès de M. d’Arnim ? Il nous paraît que, si M. Guizot n’a rien obtenu de ce côté lorsque la session s’ouvrira, l’opposition aura contre lui un grief et un argument de plus. M. Guizot, en détachant la Belgique de nous, aura augmenté l’isolement de la France, cet isolement que lui seul, à l’entendre, pouvait et devait faire cesser.


V. de Mars.