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pas pris une mesure utile au pays, et non-seulement le gouvernement ne faisait rien, mais il empêchait de faire. Quelques communes, par exemple, sentant le besoin d’améliorer leurs communications, s’unissaient-elles pour construire une route à leurs frais, le gouvernement ajournait indéfiniment le tracé, et frappait ainsi d’impuissance la bonne volonté des communes. En revanche, les Bavarois et ceux des Grecs qui consentaient à se faire leurs complices recevaient chaque jour des dotations, des décorations des récompenses de toute sorte. Et pendant ce temps le dernier centime de l’emprunt se dépensait sans que le pays en tirât le plus léger profit.

Il n’est certes pas étonnant que contre un pareil gouvernement des mécontentemens nombreux aient souvent protesté, et qu’ils se soient quelquefois traduits en insurrections partielles Ainsi, en 1838, il y eut une révolte en Messénie, et une autre dans le Magne en 1839 ; mais ces mécontentemens isolés et divergens n’auraient peut-être abouti à aucun résultat, si la Russie ne se fût chargée de les régulariser et de leur donner un lien commun. Je touche ici à un des points les plus curieux de l’histoire de ces dernières années, à un de ceux qu’il faut absolument connaître pour se faire une idée ouste de la dernière révolution.

Une des forces de la Russie en Grèce ; la principale peut-être, c’est, je l’ai déjà dit, la communauté de religion. Il y a en Grèce quelques catholiques, mais peu nombreux, et dont la présence ne fait que raviver, parmi ceux qui appartiennent au culte dominant, la ferveur orthodoxe. Quand, en 1830, l’église grecque rompit définitivement avec le patriarche de Constantinople et se déclara indépendante, ce fut pour l’influence russe un affaiblissement notable. Néanmoins, s’il y avait désormais deux branches, l’arbre restait le même. Or, on le sait, le roi des Grecs est catholique, la reine est protestante, de sorte que, par une anomalie singulière, des trois grands cultes chrétiens, le culte national est le seul qui ne soit pas représenté sur le trône. La Russie comprit facilement qu’il y avait là pour elle un puissant moyen d’action, et ce moyen, elle résolut de s’en servir. En 1838, elle réorganisa donc sous un nouveau nom, celui de Société philorthodoxe, les anciennes hétairies des Amis et du Phénix. De plus, elle mit cette société en rapport avec les associations analogues qui existaient déjà dans plusieurs provinces de la Turquie, notamment en Epire, en Thessalie, en Macédoine. Délivrer la Grèce indépendante d’un prince hétérodoxe, affranchir la Grèce turque de la domination musulmane, réunir les deux églises et fonder un grand état sous la protection de