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lettre où il recommandait nettement aux fonctionnaires civils et militaires d’assurer au besoin son élection « à l’aide du sabre et du bâton. »

A qui faut-il attribuer de actes ? J’ai peine à croire, quant moi, que ce soit à M. Maurocordato, vrai patriote, homme d’esprit et d’honneur. Quoi qu’il en soit, ces actes paraissent malheureusement aussi certains qu’ils sont blâmables. Voici maintenant à quoi ils ont abouti. De toutes parts, il s’est élevé en Grèce un cri d’indignation, un cri de colère contre les auteurs, contre les conseillers de tant d’intrigues et de violences. Plusieurs des ministres députés, M. Rhodius, M. Loudos, ont échoué, et à Missolonghi, siége principal de l’ancien parti anglais, M. Maurocordato n’a pu se faire réélire. A Athènes enfin, Kalergi lui-même, Kalergi, naguère si populaire, a succombé sous l’appui ministériel. Pour qu’à la première épreuve les institutions libres de la Grèce résistent à une telle attaque et en sortent victorieuses, il faut certes qu’elles aient en elles-mêmes une rare vitalité.

Que faisaient pendant ce temps les légions de France et d’Angleterre ? La légation de France était loin d’approuver la conduite du cabinet ; mais, selon elle, à la majorité parlementaire seule il appartenait de le juger et de le condamner, s’il y avait lieu. La légation de France ne voulait pas d’ailleurs manquer à l’engagement qu’elle avait pris, et elle se tenait dans une complète réserve. Dans une occasion grave pourtant, elle prouva qu’elle n’était point disposée à suivre le ministère et ses conseillers partout où il leur plairait de la conduire. Un des chefs palikares les plus célèbres et les plus violens, le général Grivas avait levé l’étendard de l’insurrection dans l’Acarnanie. Comme cette affaire traînait en longueur et inquiétait le gouvernement, un des aides- de-camp du roi, le général Tzavellas, fut envoyé d’Athènes sur le bateau à vapeur français le Papin, pour obtenir la soumission de Grivas. Il y réussit, et Grivas, après avoir congédié ses palikares, s’embarqua à bord du Papin, sous la protection de notre pavillon. Délivrés de tout souci, les ministres imaginèrent alors de demander qu’il leur fût livré ; est-il nécessaire de dire que cette demande, fut accueillie par la légation française comme elle méritait de l’être ?

Quant à la légation anglaise, il faut bien l’avouer, c’est elle que l’opinion publique en Grèce rend responsable de toutes les fautes, de toutes les illégalités, de toutes les violences, que le dernier ministère a commises. Aussi exclusive qu’intolérante, la légation anglaise, à ce qu’on assure, ne veut souffrir ni qu’une influence quelconque rivalise