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venu, et il a bien fallut que la Grèce enfin reprît à son propre compte l’administration de ses affaires. De ce côté, l’épreuve est complète et ne laisse rien à désirer.

Quand, d’ailleurs, on affirme que les Grecs ne sauraient supporter des institutions libres, ce n’est sans doute point des institutions municipales que l’on veut parler. Ces institutions, en effet, existaient sous les Turcs, aussi réelles, plus réelles peut-être qu’aujourd’hui ; et depuis longues années le pays en a contracté l’habitude. Il s’agit donc uniquement de savoir si le principe électif, qui s’applique sans contestation à la commune, à la province même, peut remonter à l’état sans inconvénient. Il s’agit de savoir en un mot, si une assemblée nationale saura mieux qu’un despote, mieux qu’une camarilla, comprendre et faire prévaloir les véritables intérêts du pays.

Il ne faut rien exagérer. Les gouvernemens représentatifs sont loin d’être une panacée qui puisse convenir indifféremment à tous les peuples, et à tous les pays. Pour fonctionner utilement, ces gouvernemens supposent deux choses, l’une que l’élection est réelle, l’autre que la minorité se soumet momentanément au jugement de la majorité. Si l’élection était généralement livrée aux chances de la violence et de la corruption, si la minorité prenait l’habitude de protester par la révolte contre la majorité, alors les gouvernemens représentatifs ne serviraient plus guère qu’à favoriser, aux dépens de la tranquillité et de la moralité publique, quelques intérêts particuliers. Or, de fâcheux, de récens exemples, peuvent faire craindre que ces deux dispositions ne soient fort communes en Grèce. J’ajoute qu’elles se fortifient et se justifient en quelque sorte l’une par l’autre. Comment demander la minorité de s’incliner devant le jugement de la majorité, si ce jugement n’est ni libre ni pur ? Comment d’un autre côté obtenir de la majorité qu’elle respecte la liberté de la minorité, si cette liberté doit aboutir à des actes insurrectionnels ? C’est un cercle vicieux où trop souvent s’épuise et s’éteint toute la sincérité, toute la vie, toute la puissance des gouvernemens représentatifs.

On ne saurait d’ailleurs le nier ; avec ses trois pouvoirs qui se heurtent sans se renverser, qui se contiennent et se modèrent sans se paralyser mutuellement, la monarchie constitutionnelle a dans son mécanisme intérieur quelque chose de délicat et de compliqué. Si prompt, si vif que soit leur esprit, on ne peut espérer que, dans leurs montagnes ou sur leurs caïques, les Grecs de la lutte en aient étudié et compris toutes les conditions. Pendant la guerre de l’indépendance, il y a eu des assemblées nationales, mais qui se réunissaient