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sans la Thessalie, sans la Macédoine ; mais cela n’est pas vrai, et, de plus, cela n’est pas politique. Pour ma part, je fais des vœux sincères pour la grandeur de la Grèce, et je souhaite que les provinces dont il s’agit lui appartiennent un jour ; c’est là même, selon moi, la pierre de touche véritable de l’intérêt que portent à la Grèce les trois puissances protectrices ; c’est ce qui fait que l’influence française en Grèce est plus légitime que les autres, parce qu’elle est plus libérale et plus désintéressée. Il ne m’en semble pas moins que la Grèce manquerait à sa mission à son devoir, si elle négligeait ses progrès intérieurs pour se jeter tête baissée dans d’aventureuses entreprises. On compromet quelquefois un avenir certain pour vouloir le hâter ; on manque le but pour y viser trop vite. La Grèce a un sol à cultiver, des finances à refaire, une marine à recréer. Qu’elle s’y dévoue sérieusement, avec constance, avec fruit ; sa voix sera bien plus forte alors, quand elle parlera soit à ses frères de Turquie, soit aux puissances européennes.

Mais ce que dès aujourd’hui elle peut faire dans la pensée de son avenir c’est de supprimer, c’est d’abolir toutes les absurdes distinctions qu’elle vient de créer elle-même entre les Grecs du dedans et les Grecs du dehors. Pourquoi, comme le voulait la constitution d’Epidaure, tout Grec du dehors qui viendrait se fixer en Grèce ne pourrait-il pas, par une simple déclaration, acquérir la nationalité ?… Que la Grèce y pense : il y a une étrange contradiction à rêver l’assimilation de la Grèce extérieure et à lui fermer, quand elle se présente, les portes de la cité. Et si cette contradiction n’avait pour tout motif que le désir si bas, si misérable, d’accaparer les fonctions publiques rétribuées, en diminuant le nombre des concurrens ; si l’on sacrifiait ainsi les grands intérêts du pays, ceux que l’on proclame soi-même, au plus sordide des calculs, que voudrait-on que l’Europe pensât de la Grèce, et comment pourrait-on, appeler à soi la sympathie des ames élevées ? Je le dis sans hésiter, le fameux décret des hétérochtones est de tous les actes de l’assemblée nationale le seul qui ne soit pas digne d’elle. Heureusement ce n’est qu’un décret contre lequel des voix généreuses ont protesté ; il appartient à son adversaire le plus éloquent, à M. Coletti, d’en obtenir le rappel.

Au moment où je termine (2 octobre), je reçois deux journaux athéniens (l’Observateur et le Courrier d’Orient), tous deux rédigés dans un excellent esprit, et qui m’apprennent que, le 15 septembre, l’anniversaire de la révolution a été célébré au milieu d’un enthousiasme unanime, et que le 19 la session parlementaire s’est ouverte sous