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que c’est qu’un principe vital universel répandu dans toute la nature sous la forme de principes vitaux individuels, comment ceux-ci s’élèvent çà et là à l’intelligence, grace à la sensibilité qui est partout, comment cette même sensibilité, qui est leur condition essentielle, peut persister après la destruction des organes, tout en se réunissant au réservoir commun de l’intelligence et de la vie, comment elle peut alors conserver la conscience du moi sans conserver nécessairement celle du même moi moral, et comment la persistance de celui-ci, c’est-à-dire d’un système personnel de sentimens et d’idées, est possible, quand le principe intelligent est rentré dans le sein du principe universel. Ce mélange d’idées et d’images disparates, ce stoïcisme vague, cet alexandrinisme superficiel ne peut assurément satisfaire la raison. Seulement il est curieux de voir un philosophe de la France du XVIIIe siècle, un médecin de l’école de Paris donnant pour couronnement à la physiologie et à l’idéologie de son temps quelque chose comme la doctrine des émanations.

On ne saurait au reste, trop remarquer avec quelle facilité des philosophies fort différentes peuvent être entraînées au panthéisme est l’écueil des écoles les plus opposées. L’antiquité a su rarement l’éviter ; la scholastique s’y est brisée comme les autres ; le cartésianisme passe pour avoir engendré Spinoza ; la théologie elle-même est souvent panthéiste, au moins par le langage ; et, a presque l’analyse idéologique a bien soigneusement éliminé l’ame comme une abstraction ou comme une hypothèse, la physiologie restitue dans l’homme, comme dans toute la nature, un principe d’action, d’organisation, de mouvement, qui n’est aucune matière aucun corps, mais une force, une vie, une cause, abstraction non moins insaisissable assurément que ces substances spirituelles acceptées de tout temps par la foi commune du genre humain. Le panthéisme peut avoir des origines diverses ; nous pourrions citer telle définition de la divinité qui semble irréprochable, mais qui y conduit, et l’athéisme même y retombe dès qu’il essaie de raisonner. Que faut-il faire pour éviter ces déviations ? Dans la pratique, s’appuyer sur le bon sens naturel de l’humanité, et dans la théorie, sur la philosophie psychologique, qui, par point de départ, son principe et sa méthode, est essentiellement incompatible avec l’idée de l’identité universelle. Rien ne prouve mieux l’ignorance des ennemis actuels de la philosophie que d’avoir choisi pour attaquer les écoles psychologiques l’accusation de panthéisme.

Revenons à Cabanis. Malgré sa lettre sur les causes premières, malgré