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où ce qui fonde et légitime ce respect a été le plus habilement méconnu. C’est là une étrange inconséquence, et qui doit inspirer de sérieuses réflexions sur la valeur de notre raison. Ce serait le sujet d’un livre que l’examen des causes et des effets de cette inconséquence, ou, si l’on veut, de cette contradiction. On reconnaîtrait sans doute, en écrivant ce livre, qu’elle est pour beaucoup dans les erreurs pratiques, dans les fautes, dans les excès, qui ont compromis et quelquefois souillé une noble cause, et la difficulté de la gagner définitivement, de la faire triompher des obstacles que lui opposent le préjugé, le scrupule et la crainte, vient en grande partie de la mauvaise renommée de quelques-uns des principes métaphysiques qui ont devancé la révolution ; mais on expliquerait en même temps et l’on excuserait en partie l’inconséquence que nous signalons, par les erreurs en sens inverses que les partis contraires ont commises. On reconnaîtrait, par exemple, dans les hommes et dans les pouvoirs qui se piquaient de spiritualisme, une insouciance, ou plutôt un mépris étrange pour tout ce qui honore la raison et relève l’humanité ; on verrait sous leur empire les plus saintes croyances devenues stériles en nobles et précieuses conséquences, comme ces arbres qui restent debout et ne portent plus ni de fruits ni de fleurs. À quoi sert en effet de croire que l’homme est animé d’un esprit immortel, capable de vérité et de justice, et que la Providence préside aux destinées des sociétés, si l’on abandonne et l’homme et les sociétés aux caprices d’un pouvoir absolu, à l’empire des passions individuelles, au despotisme les barbares traditions ? C’est là le fait grave qui a provoqué la réaction contraire. Quand on a vu de certaines croyances tolérer ou même favoriser les plus mauvaises pratiques, s’allier aux moins respectables systèmes de politique et de morale sociale, on a pu leur imputer à leur tour le mal pour conséquence, et les repousser indistinctement avec tout ce qu’elles avaient souffert et protégé. Pour arriver à des conséquences contraires, on a invoqué des principes opposés, et tout n’est pas injuste dans cette responsabilité qu’on a fait poser sur des théories dogmatiques frappées d’une impuissance séculaire pour le bien de l’humanité. Ainsi les esprits sont logiquement conduits à des extrémités opposées et c’est par ces écarts symétriques qu’il reviennent à un point juste et vrai, comme les oscillations ramènent à l’équilibre.

En poursuivant l’examen que nous indiquons, on serait bientôt conduit à dégager les divers élémens qui composent chacune des doctrines que le XVIIIe siècle a mises en lutte, et peut-être reconnaîtrait-on