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Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 8.djvu/426

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REVUE DES DEUX MONDES.

au pays. Les uns s’endorment dans une indolente oisiveté ; d’autres, plus actifs, préparent des livres, écrivent dans les journaux, se livrent à des études solitaires. Qu’arrive-t-il ? On les accuse d’intrigues, on suppose qu’ils préfèrent les cabales de couloirs aux luttes de la tribune. La réputation du parti en est atteinte.

LE PRÉSIDENT.

Vous conviendrez que ces reproches ne sont pas bien graves ; ils n’affectent ni l’esprit ni le caractère.

LE GÉNÉRAL.

Ils portent sur la conduite, et l’esprit de conduite est, pour les partis comme pour les individus, la première condition du succès.

LE PRÉSIDENT.

Les torts que vous imputez au centre gauche peuvent se réparer.

LE GÉNÉRAL.

J’en conviens : l’avenir du centre gauche est dans ses mains, il n’a qu’à s’entendre et à vouloir ; mais quand s’effaceront de tristes dissentimens, quand se réveillera l’énergie qui sommeille ?… Nul ne saurait le dire, et, en attendant, je vous engage à y réfléchir. Permettez-moi un dernier mot, et n’en soyez pas blessé. Du vote d’aujourd’hui dépend peut-être toute votre carrière. Si vous vous jetez dans l’opposition, vous ne voudrez pas accepter les faveurs du ministère ; vous le voudriez, qu’on ne vous le permettrait pas. Les partis sont jaloux et exigeans. Si vous venez avec nous, vous pouvez honorablement suivre votre destinée. C’est dans la chambre que se font les choix pour les hauts emplois de la magistrature. La cour de cassation s’y recrute. Le roi connaît déjà votre nom et vos services passés. Je ne suis chargé de faire ni promesse, ni menace, mais je vous devais cet avertissement.

LE PRÉSIDENT.

Les considérations personnelles ne régleront pas mon choix. Je ne suis pas encore décidé.

LE GÉNÉRAL.

Il est des intérêts qu’on peut écouter sans honte ; mais je ne veux pas insister davantage. Adieu, et, quoi qu’il arrive, comptez toujours sur moi.

LE PRÉSIDENT.

Je vous retrouverai bientôt.

(Le générat s’approche de Mme B., qui est restée à broder auprès d’une table.)
LE GÉNÉRAL, à Mme B.

Je ne vous oublie point, madame.

MADAME B…, bas, en montrant le président.

Vous serez content, général. Je réponds de lui.