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et l’Asie, ou mieux encore en face du Grec de Smyrne ou de la Canée, qui voit chaque année passer sous ses yeux les flottes de toutes les nations. Rapprochez dans un même tableau l’héroïque Pologne, la savante Bohême, la noire Moscovie, la brillante Ionie, et vous aurez une idée des antithèses, des harmonies gréco-slaves.


II.
LES GRECS, LEUR RÔLE VIS-À-VIS DES SLAVES

Forte de plus de cent millions d’hommes, la race gréco-slave se compose d’une foule de tribus, qui se divisent en plusieurs groupes ou nationalités. Plusieurs de ces groupes n’ont pas encore, il est vrai, atteint un assez haut développement et n’éprouvent pas un sentiment assez vif de leur mission spéciale, de leurs besoins civils, pour qu’on puisse les considérer comme des nations. Parmi ces sociétés endormies dont la Providence prépare lentement le réveil politique, pour délivrer peut-être un jour l’Occident des terreurs que lui inspire la Russie, il faut nommer les Bulgares, les Kosaques, les Sibériens. Outre ces sociétés encore indécises dans leur marche, le monde gréco-slave renferme des nationalités historiques, permanentes, et, on peut le dire, indestructibles : tels sont les Grecs les Illyriens ou Slavo-Maghyares, les Tchéquo-Slaves ou Slaves de Bohême, de Moravie et de Silésie, les Polonais et les Russes. Passer en revue ces cinq grandes nationalités, indiquer leurs rapports, leur rôle et leurs tendances, c’est apprécier en même temps les forces et l’avenir social de cette moitié de l’Europe que d’intimes analogies de langage, de rites et d’institutions désignent à notre attention comme formant un monde à part, une grande unité morale.

Quoique les moins nombreux d’entre ces cinq grands peuples, les Grecs méritent d’être cités les premiers pour l’ancienneté de leur origine et l’avantage de leur position géographique. Cette position en effet est telle qu’elle les fera de plus en plus intervenir, comme acteurs indispensables, dans les débats des puissances au sujet de l’Orient. On ne connaît point le chiffre, même approximatif de la population grecque ; la plus haute évaluation est celle qui la porte à trois millions. Disséminés comme les Juifs à travers le monde, les Grecs sont partout, à l’opposé des Juifs, ardens patriotes, et prêts aux plus grands sacrifices pour la gloire de leur pays. Tels ils se montrent en Syrie, en Égypte, sur le Bosphore, et jusque dans la Russie méridionale,